L’un des plus grands péchés des constructeurs de la tour de Babel a été l’indifférence à la vie humaine, un péché qui perdure aujourd’hui puisque que nous ignorons les dizaines d’ouvriers du secteur de la construction qui perdent la vie pour construire nos maisons
Quatre morts en un jour et 58 en un an et demi. Un nombre intolérable; 58 hommes qui sont partis travailler et ne sont jamais rentrés chez eux, n’ont jamais revu leurs proches, leurs enfants, leurs femmes. Mais le pays restera silencieux malgré ces 58 morts inutiles. Les rues ne seront pas remplies de manifestants, le Premier ministre ne demandera pas une réunion du cabinet d’urgence. Le sang répandu va nous choquer un moment, mais nous allons revenir immédiatement à l’indifférence de notre quotidien.
Qui veut approfondir ces tragédies? La majorité des travailleurs de la construction sont des Arabes, de nouveaux immigrants ou tout simplement des personnes dont les vies sont dures, difficiles. Il n’y a personne pour s’émouvoir de leurs souffrances.
Samedi, tout le pays était prêt à donner à l’Europe une production Eurovision jamais vue auparavant. Un événement inoubliable dans lequel tout a fonctionné selon les plans dont les critères étaient incroyablement compliqués. Mais cette production a eu un coût dont on n’a pas assez parlé : la mort de Fuldi Schwartz, un ouvrier décédé sur le site de l’Expo, où la compétition a eu lieu.
Nous avons choisi de refouler la vision de son regard si bon et de ne pas prêter attention aux questions difficiles de ses enfants. Pouvons-nous accueillir cet horrible désastre, en même temps que le plus magnifique festival jamais organisé par Israël? Nous ne pouvons pas. Personne ne voulait se souvenir de la mort de Fuldi et la laisser éclipser les joies de l’Eurovision.
Nous savons très bien comment organiser un événement international de la meilleure façon possible quand nous le voulons. Et lorsque nous ne voulons pas faire d’efforts, nous savons aussi très bien comment refouler et ignorer une mort silencieuse dans les coulisses d’un chantier de construction. Dans notre culture de négligence et de solutions miracles, il ne s’agit que du train-train quotidien dans laquelle la vie humaine ne vaut rien, et il n’y a pas de juge pour enfermer les coupables.
Selon nos écritures juives, l’un des plus grands péchés des constructeurs de la tour de Babel était l’indifférence à la vie humaine. « Si un homme tombait et mourait, ils ne le remarquaient pas. Mais si une seule brique tombait, ils s’asseyaient et pleuraient dessus … »
Cela décrit une réalité corrompue où le but, la réalisation matérielle, est plus puissant que la chose la plus précieuse au monde – la vie humaine. Et nous pouvons voir que cela se produit là, juste devant nos yeux, et cela nous corrompt. Lorsqu’un homme n’est qu’un outil, sa vie ne vaut rien. Il est le moyen pour les entrepreneurs de construire plus de bâtiments pour moins d’argent.
Nos frères meurent en silence, car pour nous ils ne sont que des mains qui travaillent. C’est une urgence nationale. Nous ne devons plus détourner notre attention de ces horribles accidents, conséquence directe de notre course effrénée à l’expansion de l’immobilier. Toute famille qui a perdu un être cher doit savoir que cette mort a un prix, un prix élevé.
Ils doivent savoir que ceux qui font le mal et agissent ainsi ne s’en sortiront pas sans punition, même si le seul réconfort qu’ils pourront y trouver est que cela pourrait empêcher le prochain désastre.
Line Tubiana
Traduit et adapté de Chen Artzi Sror