New York est, après Madrid, la seconde ville à accueillir cette vaste exposition intitulée « Il n’y a pas si longtemps, pas si loin ». Ouverte mercredi au Museum of Jewish Heritage, elle présente des centaines d’objets utilisés dans le camp d’extermination, venus pour beaucoup du musée d’Auschwitz, avec chacun leur histoire.
Comme une robe et une sacoche taillées à la libération du camp par une déportée dans son uniforme de détenue. Ou un habit traditionnel de prières, un « tallit katan » rapporté par Mendel Landau, un rescapé arrivé à New York après la guerre: le port de cette tunique au camp a failli lui coûter la vie plusieurs fois mais il a pris tous les risques plutôt que de la perdre.
Les habitants de la métropole américaine, qui abrite la plus grande communauté juive hors d’Israël, ne sont pas les moins bien informés sur l’Holocauste. Mais l’envie d’en savoir davantage, l’émotion et la sidération devant les atrocités commises, sur fond de résurgence de l’antisémitisme, avec deux attaques sanglantes contre des synagogues américaines depuis octobre, n’en sont pas moins grandes.
Non-Juifs en priorité
« Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui ne croient pas que c’est arrivé« , souligne Dennette Peninger, originaire de Floride, dont la fille s’est convertie au judaïsme en se mariant avec le fils d’une survivante. « Si un jour, comme je l’espère, ils tombent sur quelque chose comme ça, ils sauront que cela s’est bien produit et que ça ne doit pas se reproduire« .
De fait, la cible principale de cette exposition itinérante n’est pas la communauté juive mais plutôt les non-Juifs, les jeunes en particulier, explique à l’AFP Robert-Jan van Pelt, commissaire de l’exposition et spécialiste de l’Holocauste, basé à Toronto.
« A Madrid, il n’y a pas de communauté juive et nous avons eu près de 600.000 visiteurs, presque tous n’étaient pas juifs », dit-il. « C’est ce que nous voulons: l’Holocauste est plus important pour les non-Juifs que pour les Juifs car nous, les Juifs, portons cet héritage dans notre corps et les histoires de nos familles ».
Natasha Seaton, professeure pour enfants handicapés, fait partie de cette cible. Venue avec une amie d’origine juive, avec laquelle elle partage une passion pour l’histoire, elle est ressortie avec l’impression qu' »une visite ne suffit pas« . Je ressens tout un éventail d’émotions, il y a tant de choses que je ne savais pas (…), ça me restera toute ma vie »:
Même chose pour Karen Jorgensen, qui dirige un refuge pour sans-abris à Manhattan. « Je ne suis pas juive mais j’ai toujours été intéressée par la Seconde Guerre mondiale », dit cette dynamique septuagénaire, après une visite de six heures avec une amie.
« Nous avions bien sûr vu ces terribles images des corps mis dans les fours et d’autres choses comme ça mais nous n’avions jamais été confrontées aux objets concrets« , dit-elle. « J’espère contribuer à garantir que cela ne se reproduise jamais ».
Descendants de rescapés
New York compte aussi des milliers de descendants de déportés qui, s’ils connaissent souvent déjà bien l’histoire de leurs aînés, tiennent à voir l’exposition. Ne serait-ce que pour entretenir leur souvenir.
Deena Harris, 68 ans, dont la mère juive allemande fut cachée, enfant, dans le sud de la France avant de partir aux Etats-Unis en 1943, dit « avoir déjà tout entendu », « tout vu » sur l’Holocauste. Mais elle aussi a trouvé dans le musée new-yorkais « des petites choses que je n’avais jamais vues ».
« Pour qui ne connaît pas l’Holocauste, cette exposition est un incontournable« , relève-t-elle. « J’ai l’impression désormais que je ne suis pas obligée d’aller à Auschwitz. Je me suis toujours sentie coupable de ne pas vouloir y aller. »
L’exposition doit s’achever le 3 janvier 2020 à New York. M. van Pelt rêve de l’emmener notamment à Budapest, où le rôle des autorités dans la déportation de centaines de milliers de juifs hongrois en 1944 continue de faire polémique. Ou encore dans des pays qui ne « portent pas en eux les démons de l’antisémitisme« , comme la Chine ou l’Afrique du Sud.