Condamné à un an de prison pour négationnisme, Alain Soral est censé donner une conférence ce samedi à Mulhouse. Faute de feu vert de la chancellerie, le parquet ne compte pas mettre à exécution le mandat d’arrêt prononcé à son encontre.
Le visuel est visible sur de nombreux sites internet de la fachosphère : « Leçons de droit n° 5, Pédocriminalité, réseaux & Code pénal, Alain Soral et Damien Viguier, Mulhouse, le 4 mai 2019, 16 h. »
« Leçons de droit » ? L’expression est assez audacieuse de la part de deux récents repris de justice… Le 15 avril dernier en effet, l’essayiste d’extrême-droite Alain Soral a été condamné par la 13e chambre correctionnelle de Paris à un an de prison ferme, assorti d’un mandat de dépôt, pour contestation de l’existence de la Shoah. Son avocat Damien Viguier a quant à lui écopé de 5 000 € d’amende pour complicité. Tous deux ont annoncé leur intention de faire appel.
Location annulée au Lerchenberg
Absent lors du prononcé du jugement, Alain Soral demeure cependant libre, d’autant que le parquet de Paris a jusqu’ici refusé – au grand dam de nombreuses associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, dont la Licra, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), le Mrap et SOS Racisme – de mettre à exécution le mandat prononcé contre lui. Interrogé sur les raisons de ce refus par l’AFP, le parquet de Paris avance un « défaut de base légale » , sans convaincre les nombreuses parties civiles, dont certainement répliquent déjà en parlant de « voie de fait ».
Quelle que soit l’issue de cette polémique judiciaire, sans doute n’est-ce pas un hasard si le lieu exact de la conférence mulhousienne d’Alain Soral est tenu secret : pour le connaître, il faut réserver sa place en ligne et payer d’avance, contre la promesse d’être averti par SMS, la veille au soir…
L’endroit choisi n’a pourtant rien de très mystérieux – ou plutôt le lieu initial : selon plusieurs sources concordantes, il s’agissait de la salle du Lerchenberg, au cœur du quartier mulhousien de Dornach. L’endroit avait en effet été loué ce samedi de 16 h à 20 h, sous un nom tellement passe-partout qu’il sonnait furieusement comme celui d’un faux-nez. Alerté en amont, le conseil de fabrique, propriétaire des lieux, s’est alors ému de la situation auprès du loueur… Lequel a préféré annuler la location, ce jeudi en toute fin de journée. De son côté, la ville de Mulhouse, qui ne dispose d’aucun pouvoir de police dans un lieu privé, avait prévenu la police nationale, par crainte de voir survenir des troubles à l’ordre public.
Un courrier du président de la Licra de Mulhouse
Rien ne dit pour autant qu’Alain Soral renoncera à sa venue à Mulhouse, lui et ses acolytes disposant encore de 24 heures pour tenter de trouver un lieu de repli dans les parages… Une interpellation de l’intéressé à cette occasion semble en revanche exclue, même si Me Rodolphe Cahn, président de la section locale de la Licra, a plaidé en ce sens dès mardi dernier, auprès de la procureure de la République de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot. Extrait de son courrier daté du 30 mai : « M. Alain Soral sera présent dans le ressort du tribunal de Céans, […] le 4 mai 2019. Je tiens au nom et pour le compte de la Licra à vous en faire officiellement part […]. Il est constant que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris est exécutoire, de sorte qu’il vous appartient, à partir du moment où M. Alain Soral est présent dans le ressort du tribunal de grande instance de Mulhouse, de mettre cette décision à exécution. »
Las : les services de la procureure Edwige Roux-Morizot lui ont en retour indiqué que rien ne serait mis en œuvre pour interpeller Alain Soral, faute du nécessaire « feu vert » de la chancellerie – ce même feu vert qui a déjà manqué au parquet parisien, mi-avril…
Sauf ultime rebondissement, l’une des principales figures de la fachosphère hexagonale, condamnée en première instance pour négationnisme, est donc susceptible de venir donner une conférence ce samedi après-midi à Mulhouse, sans être nullement inquiétée.