Né à Hussigny-Godbrange, Léon Placek était un enfant quand il a été déporté à Bergen-Belsen. Ce survivant de la Shoah revient tous les deux ans au lycée de la Communication pour témoigner.
Il est invité par les professeurs, qui tiennent à entretenir le devoir de mémoire auprès de leurs élèves. Ce jeudi après-midi, il était devant les élèves de 1re et de terminale, dans un amphithéâtre bondé. À 87 ans, il a toujours la mémoire vive, l’histoire à vif, même s’il s’appuie sur un long texte écrit.
Il le leur a répété : « Je ne suis pas fier d’être juif, mais je n’en ai pas honte. Ce que je sais, c’est que, si j’avais été catholique, je ne serais pas là, aujourd’hui, devant vous. » Une partie de son histoire s’est arrêtée au camp, en 1944. Une autre quand sa mère est décédée, juste après la Libération, de s’être privée pour les nourrir, son frère et lui. Depuis, il témoigne.
Son histoire est terrible. Comme celle des six millions de Juifs exterminés par les nazis. Léon Placek a écrit un texte. « Je ne suis pas un bon orateur, alors j’écris ce que je veux vous dire », sourit-il. Il trouve en tout cas les mots justes pour parler de l’horreur des camps et de sa peur qu’un jour, quand les derniers témoins ne seront plus là, la place soit prise par les révisionnistes.
Les jeunes écoutent dans un silence quasi religieux. Ils ont, pour la plupart, vu le camp d’Auschwitz, les baraques, les montagnes de cheveux et de valises, les photos des déportés. Mais l’histoire de Léon apporte autre chose : un ressenti. Né en 1933, Léon vivait avec ses parents ainsi que son petit frère de deux ans son cadet à Hussigny-Godbrange. À la déclaration de guerre, le père, réfugié polonais, se sentant redevable à la France, s’enrôle dans la Légion étrangère comme engagé volontaire. Hélas, il est fait prisonnier en 1940 et envoyé dans un Stalag en Allemagne.
Son épouse obtient alors le statut de femme d’engagé volontaire et pense, à tort, que ce papier la protégera des lois raciales puis de la déportation. De fil en aiguille, la famille est déportée au camp de Bergen-Belsen, en 1944, près de Hanovre, en Allemagne du nord, un mouroir. En tant qu’otages (que les nazis pensaient éventuellement échanger contre des captifs allemands), on ne les tue pas, mais, à Bergen-Belsen, le problème numéro un, c’est la faim. Grâce au sacrifice de leur mère, qui s’est privée de ses maigres rations pour eux et qui perdra la vie juste après la libération du camp, les enfants s’en sortent.
Léon retrouve la France, fait des études et s’inscrit dans l’amicale des anciens de Bergen-Belsen. « J’ai parlé de tout ça à mes enfants, nous sommes allés là-haut. Mon fils a pris une photo de ses enfants et l’a enfouie sous la terre du monument où ma mère et ses compagnons d’infortune ont été inhumés. J’ai des copains qui témoignent dans les établissements scolaires une dizaine de fois par an. Moi, je ne le fais qu’une fois, à Metz, par amitié pour les enseignants. » Il réussit, à chaque fois, à transmettre beaucoup de choses à son auditoire. Il a rappelé : « L’intolérance est un cancer que l’on doit combattre et vaincre ». C’est le message d’un petit garçon qui a vu la mort dans les yeux, chaque jour, quand il avait 11 ans.