La justice passe à la vitesse supérieure contre Alain Soral : l’essayiste d’extrême droite a été condamné lundi à Paris à un an de prison ferme pour négationnisme, une peine assortie pour la première fois d’un mandat d’arrêt délivré à l’audience.
Partie civile, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a salué dans un communiqué « la fermeté de cette décision qui doit aussi son caractère exceptionnel au mandat d’arrêt » et demandé « sans délais à tous les hébergeurs de contenus de fermer les comptes d’Alain Soral ainsi que ceux d’Egalité et Réconciliation », son site internet.
Soral, de son vrai nom Alain Bonnet, 60 ans, n’était ni présent ni représenté à la lecture du délibéré devant la 13e chambre correctionnelle.
Il a été reconnu coupable de contestation de l’existence de la Shoah pour avoir publié sur son site des conclusions litigieuses de son avocat dans une autre affaire. Ce dernier, Damien Viguier, a été condamné à 5.000 euros d’amende pour complicité de ce délit, en raison du contenu de ces conclusions. Tous deux « ont fait appel », selon un texte de Damien Viguier publié sur le site Egalité et réconciliation.
Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet s’agissant de l’essayiste, déjà condamné à plusieurs reprises, notamment pour provocation à la haine raciale. Lors de l’audience à laquelle il n’avait pas assisté, le 5 mars, l’accusation avait demandé six mois ferme contre lui, et 15.000 euros d’amende contre son avocat.
Aux sources de ce dossier se trouve une autre affaire : en 2016, le site d’Alain Soral avait publié un dessin représentant, sur une fausse Une titrée « Chutzpah Hebdo », le visage de Charlie Chaplin devant l’étoile de David, avec dans une bulle la question « Shoah où t’es ? », référence à la Une polémique de « Charlie Hebdo » après les attentats de Bruxelles, « Papa où t’es ? ».
Pour cette publication jugée négationniste, Soral est définitivement condamné à 10.000 euros d’amende, avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement, depuis le rejet de son pourvoi en cassation le mois dernier.
La mesure du phénomène
En novembre 2017, « Egalité et réconciliation » avait ensuite publié les conclusions de son avocat Damien Viguier dans cette affaire. Le texte évoquait notamment une chaussure et une perruque représentées sur le dessin condamné, « Chutzpah Hebdo ».
« Chaussure et cheveux font référence aux lieux de mémoire organisés comme des lieux de pèlerinage. On y met en scène des amoncellements de ces objets, afin de frapper les imaginations », avait notamment écrit l’avocat. « La coupe des cheveux se pratique dans tous les lieux de concentration et s’explique par l’hygiène », écrivait-il encore, renvoyant vers les écrits du négationniste Robert Faurisson.
S’agissant de deux autres détails du dessin, « savon et abat-jour », l’avocat avait prétendu que les savons faits à partir de graisse humaine par les nazis ou les abats-jour en peau humaine n’étaient que « propagande de guerre« . La Licra et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avaient signalé ces propos au parquet.
« La justice prend enfin la mesure du phénomène Soral, après dix ans de condamnations pour des délits racistes et antisémites. Soral expérimente enfin la rigueur de la loi », s’est félicité l’avocat de l’UEJF et de l’association J’accuse, Stéphane Lilti.
De son côté, Gérard Guillot, défenseur de l’avocat Damien Viguier, a dénoncé « un scandale ». « On condamne un avocat français pour sa simple défense dans un dossier », s’est-il insurgé, en indiquant que son client ferait appel.
Les deux prévenus devront verser un euro symbolique de dommages et intérêts aux quatre associations antiracistes parties civiles, ainsi que 1.500 euros au titre des frais de justice, solidairement, à chacune d’entre elles. Ils devront aussi publier leur condamnation dans cinq journaux.
En janvier, Alain Soral avait déjà été condamné à Bobigny à un an de prison ferme, sans mandat d’arrêt, pour avoir injurié une magistrate et tenu des propos antisémites sur son site internet. Il attend en mai quatre autres décisions de justice devant la cour d’appel de Paris.