Ilan Zaoui avait signé la chorégraphie du film Rabbi Jacob. 46 ans après, il revient avec un nouveau spectacle dans lequel il raconte son expérience du kibboutz au début des années 1970.
La Croix : Par le passé, vous avez travaillé pour le cinéma, signé de nombreuses chorégraphies et beaucoup tourné avec votre compagnie, Adama. Sous quelle forme se présente ce nouveau spectacle ?
Ilan Zaoui : Je voulais faire une histoire en musique du kibboutz à travers mon expérience personnelle. C’est pourquoi le spectacle mêle des moments de concert à des anecdotes que j’ai vécues. C’était aussi important pour moi d’installer une sorte d’intimité avec le public que l’on interroge à plusieurs reprises, pour se rapprocher de la pratique collective de démocratie directe qui régnait là-bas. Et puis on projette aussi des images d’archives.
Je ne voulais pas que ce spectacle soit une conférence sur le kibboutz mais plutôt l’histoire de mon expérience, que je pense signifiante.
Comment avez-vous abordé la création de ce spectacle ?
I. Z. : J’ai fait un travail de recherche pour retrouver les chansons qui ont marqué l’histoire d’Israël, aux différentes époques que je voulais traiter. On fait beaucoup de reprises mais les orchestrations sont originales. Il y a également un peu de musique argentine parce que dans mon kibboutz, il y avait des Argentins et je voulais que cette diversité transparaisse.
J’ai aussi cherché à me réimprégner de l’ambiance de l’époque en passant trois semaines, l’été dernier, dans plusieurs kibboutzim. Bien sûr, il y a eu une évolution depuis, des changements économiques. Mais je me suis rendu compte qu’il était encore possible de vivre une expérience collective dans ces villages.
Le thème du kibboutz porte une dimension utopique que l’on retrouve dans le titre de votre spectacle « Toi et moi nous changerons le monde ». Quel est son message ?
I. Z. : Dans les années 1960, quand j’avais 18 ans, on était en révolte contre les injustices du monde. Nous avons réussi à créer au kibboutz une société sans argent et à changer notre monde. On se réunissait chaque semaine pour discuter éducation, répartition du travail et on votait à main levée. On ne recherchait pas le bien-être par rapport aux autres, mais un bien-être collectif. C’était une autre dimension. Je voulais donc montrer qu’il est possible de vivre dans une démocratie directe et de refuser l’omniprésence de l’argent.
Après de nombreux spectacles de pur divertissement, vous revenez avec une œuvre différente. Est-ce un tournant dans votre carrière ?
I. Z. : Lors de ma dernière tournée avec la compagnie Adama, en Chine, j’ai réalisé la lourdeur de faire un spectacle avec une vingtaine de personnes. C’était très difficile et ça m’a pris beaucoup de temps et d’énergie. Et puis notre style n’est plus très populaire en France.
Dans les années 1980, on tournait beaucoup, on passait à la télévision. Et puis les choses ont changé. On s’est retrouvé enfermé dans une communauté, ce que j’avais toujours voulu éviter. Du jour au lendemain, on nous a dit : « Votre spectacle est super, mais on ne vous prendra pas. » C’était très dur à entendre.
Pour la première fois, vous abordez un sujet très personnel. Pourquoi avoir fait ce choix, maintenant ?
I. Z. : C’est une idée qui est venue de ma femme. Elle n’a pas vécu l’expérience du kibboutz, mais elle m’entendait en parler, chanter des chansons et elle m’a dit : « Tu dois raconter cette histoire. » J’ai réalisé qu’il était temps de montrer ce qui a motivé ma vie et ma carrière. Jusqu’à présent, je n’avais jamais voulu faire quelque chose de personnel et j’ai senti que c’était le moment. Je voulais raconter cette utopie qui m’a profondément marqué.
« Kibboutz, toi et moi nous changerons le monde », du 8 au 11 avril, à l’espace Rachi, 39 rue Broca à Paris.