L’encyclopédie Wikipédia est à l’image de la révolution numérique. Elle n’a rien à envier au meilleur comme au pire de l’internet mais présente tout à la fois, les avantages de ses défauts, et inversement…
Wikipédia est fabuleux, car en un clic vous pouvez obtenir quantité de renseignements. Et cette source d’informations quasi inépuisable peut même être enrichie ou complétée par le tout-venant qui souhaite partager avec le monde une donnée qu’il ne veut pas être seul à détenir. Quel progrès ! N’est-ce pas la vocation première et universelle de l’enseignement, de la culture et de la transmission que le partage?
Mais l’encyclopédie participative a un revers de taille : on peut écrire tout et n’importe quoi… sans modération aucune si ce n’est celle d’un autre individu qui viendrait vous contredire. Et c’est, sans conteste, là que le bât blesse, car la porte est ainsi ouverte à toutes les dérives!
Dans son édition du 17 mars, Le Journal du Dimanche nous apprenait qu’un individu agissant sous le pseudo kouassijp était un contributeur habitué de la plateforme.
Les ajouts auraient pu passer inaperçus s’ils n’avaient pas présenté un caractère très singulier. En effet, kouassijp semble présenter une obsession maladive pour le judaïsme et surtout la judéité de certaines personnalités publiques, le conduisant à modifier frénétiquement leurs fiches.
Bien davantage que des relents antisémites, les agissements de cet internaute, et peu importe qui il est, relèvent d’un antisémitisme clair et patent qui vise à marquer, comme jadis avec le port de l’étoile jaune, certains individus car Juifs, pour les mettre au ban de la société. Cette vieille méthode antisémite a d’ailleurs donné naissance à un malheureux best-seller, La France juive d’Edouard Drumont en 1885, dont le principe était le même. Et c’est la même obsession maladive qui motive ceux qui désignent Christine Angot sous le nom de sa mère comme si cela disait tout d’elle, niant par là-même toute son œuvre.
Ces ajouts sont significatifs, car kouassijp occupe la majeure partie de son activité sur Wikipédia à compléter les biographies de cette précision. La rigoureuse méthode dont il fait preuve glace le sang, car elle n’est autre que du fichage. Et disons le froidement, cette démarche rappelle les heures sombres de notre Histoire. Ficher n’est jamais innocent, car cela revient à sélectionner, à distinguer, dans le but de mettre à l’écart.
C’est déjà ce qu’écrivait le 31 juillet 1941 le Grand Rabbin Jacob Kaplan à Xavier Vallat, Commissaire général aux questions juives de Vichy, après s’être fait enregistré en tant que juif en la mairie de Cusset (Allier): « Appartenir au judaïsme étant pour moi un grand honneur, j’ai été heureux de cette occasion d’en faire la déclaration officielle. Je ne puis ignorer cependant que ce n’est pas pour les honorer que vous obligez les juifs, sous peine de sanctions très graves, à répondre à votre questionnaire, mais que c’est pour leur appliquer des mesures d’exception d’où il ressort que c’est une tare d’être juif».
Wikipedia objecte en réponse que les propos n’étant ni diffamatoires ni injurieux, on ne peut rien faire. Autrement dit, la plateforme se défausse et botte en touche!
Bien sûr, la judéité de l’un ou l’autre est factuelle ; bien entendu, la chose est publique dès lors qu’il ou elle en a fait état dans une interview par exemple. Mais un tel désintéressement pour une cette obsession anti-juive -qui en dit pourtant long sur la tendance générale de la société à la segmentation- est non seulement dévastateur mais annonciateur de tempêtes pires encore.
Il en va de la responsabilité, de la crédibilité et du sérieux des hébergeurs ou accélérateurs de contenus de prendre des mesures face aux déviances de certains de leurs utilisateurs.
Il nous faut à nouveau proclamer que l’anonymat qu’offre le monde virtuel ne rime pas avec impunité. Le dire, c’est bien. Oui, c’est fondamental, car trop nombreux sont encore les internautes qui pensent pouvoir déverser leur haine raciste et antisémite, sans crainte d’aucune poursuite.
Mais il faut urgemment accompagner ces paroles fortes, d’actes tout aussi forts. Et c’est tout le sens de la proposition de loi de la députée Laëtitia Avia, qui devrait être examinée courant mai par l’Assemblée Nationale, comme l’a annoncé le président de la République. Il faut avec fermeté rappeler que la cyber-haine n’est pas une opinion, mais un délit et qu’elle peut et doit, à ce titre, être sévèrement sanctionnée.
Il revient aujourd’hui à la représentation nationale de mettre fin aux vides juridiques consécutifs à la transformation digitale et de protéger la société des dérives qu’elle suscite. Internet est vaste et par essence sans frontières, mais les utilisateurs sont aussi des citoyens, pourvus de droits et de devoirs dans l’espace public….L’espace numérique ne peut y échapper!