Mémoire Rachi, Rachbam et Rabbenou Tam de Ramerupt, Samuel ben Isaac de Dampierre… L’Europe va reconnaître la place de la Champagne médiévale dans l’histoire des juifs de France.
Le concept d’itinéraire culturel européen du patrimoine juif existe depuis longtemps », expliquent Delphine Yagüe et Christelle Taillardat.Vivace en Alsace et en Lorraine, la route court de synagogues en cimetières juifs anciens, dont les deux régions sont éminemment riches. Mais « de nouveaux critères pour intégrer la route européenne entrent en jeu aujourd’hui ».
Mandatée par l’Europe, l’AEPJ (Association européenne du patrimoine juif) a donc lancé un appel à candidature. Des 33 projets présentés en décembre, à Barcelone, quinze ont été retenus dont celui de l’Aube. En l’occurrence le projet d’une « Route médiévale juive de Rachi de Troyes », porté par le Comité départemental du tourisme (Christelle Taillardat) avec pour chef de projet Delphine Yagüe, de l’agence CultiristiQ.
Commissaire de l’exposition de la Maison Rachi de Troyes, Delphine Yagüe, possède une expertise incontestée sur la question.
Troyes et l’Aube tout entière
C’est précisément les initiateurs de la Maison Rachi qui ont suscité le projet de route médiévale de Rachi, en donnant une matérialité à un éminent penseur dont il ne subsiste que les textes, notent les deux partenaires.
Or, très attachée aux commentaires du maître, la descendance de Rachi a essaimé dans l’Aube et cultivé son enseignement au travers l’École des « Tossafistes ». À Ramerupt, avec Rabbenou Tam et Rachbam, petits-fils de Rachi. À Dampierre, avec Isaac Ben Samuel, leur neveu et arrière-petit-fils de Rachi.
Dans son discours au CRIF (Conseil représentatif des institutions juives), en février dernier, Emmanuel Macron a évoqué le rabbin de Dampierre et ses ancêtres champenois pour rappeler que l’histoire juive est constitutive de l’identité de la France.
Car la présence juive en Champagne au Moyen Âge ne se limite pas à la descendance de Rachi, puisqu’elle est attestée très largement à Bar-sur-Aube, Mussy-sur-Seine, Lhuitre, Nogent-sur-Seine, Plancy-l’Abbaye, Villenauxe-la-Grande, Ervy-le-Châtel, Chappes…
Non seulement des savants – près de 72 au XIIe siècle ! – mais des vignerons, des commerçants, des hommes de l’art intégrés dans la société médiévale partout où ils bénéficient de la protection des comtes de Champagne ou des seigneurs locaux.
Réconcilier recherche et territoire
Le comité scientifique en création comporte autant de spécialistes locaux (Arnaud Baudin, Patrick Demouy, le CRECIM, etc.) que de spécialistes implantés très loin parfois : Claire Soussen de la NGJ (Nouvelle Gallia Judaïca), le professeur Marc-Alain Ouaknon, de l’Institut de Recherches et d’études sur les textes sacrés (IRHTS), ainsi que des chercheurs israéliens spécialistes des tossafistes, de ces textes inédits en France qui permettent d’appréhender tout un pan de l’histoire de la Champagne médiévale qui nous échappe…
Pour Christelle Taillardat et Delphine Yagüe, il s’agit tout simplement « de renouer les liens entre notre territoire et un patrimoine immatériel et littéraire, à redécouvrir, qui laisse transparaître l’histoire de la Champagne… » Une histoire contenue dans ces « laazim » – la « langue de chez nous » – mots champenois transcrits en hébreu dont usent Rachi et les siens…
C’est à Tbilissi, le 29 mars prochain, que l’AEPJ entérinera le projet aubois, premier projet porté par une région, dont les communes de Ramerupt et Dampierre sont partenaires.
Source lest-eclair