Le photographe Pierre Leblanc a participé à un voyage de mémoire avec 135 habitants à l’automne. Ses clichés sont visibles jusqu’à début juillet.
« Ce qui m’a marqué, c’est l’immensité du lieu. Pour la retranscrire, ça ne pouvait fonctionner que s’il n’y avait personne dans l’image. Seulement l’infini. » Sur les clichés en noir et blanc de Pierre Leblanc, visible jusqu’à début juillet à Montreuil, il y a donc des barbelés, des baraquements et des rails qui mènent vers l’horreur.
Le photographe a participé au voyage de mémoire à Auschwitz (Pologne), organisé par la municipalité (PCF) à l’automne. Au petit matin du 18 novembre, 135 habitants, d’âges et de quartiers différents, ont pris l’avion, direction les camps de concentration et d’extermination.
Un projet visant à former des « passeurs de mémoire » qui, alors que les anciens déportés disparaissent, pourraient témoigner de l’horreur de la Shoah qui a fait plus d’un million de morts, dont au moins 900 000 Juifs, pendant la Seconde Guerre mondiale.
90 clichés pour montrer l’horreur
Un peu à l’arrière d’un des groupes, Pierre Leblanc a pris plus de 90 photos. « Ce qu’on a vu là-bas, c’était abominable. Le retour a été difficile », commente-t-il. Quelques semaines plus tard, la ville lui a demandé de monter cette exposition de 27 panneaux, dont le vernissage s’est déroulé ce vendredi. « Il a fallu me replonger dedans. J’ai beaucoup lu, regardé des documentaires, vérifié tous les chiffres plusieurs fois… C’est du terrible du début à la fin, ce projet. »
Le résultat mélange ses photographies avec des informations historiques et des témoignages d’autres participants au voyage. 17 Montreuillois sur 135 ont envoyé un texte à la municipalité qui les a sollicités au début de l’année.
« La transmission de la mémoire doit se faire aussi dans les familles »
« Je pense que de tels voyages qui sont proposés aux scolaires, ce qui demeurera toujours nécessaire, devraient en même temps intégrer des Montreuillois de tous âges. La transmission de la mémoire doit se faire aussi dans les familles, écrit par exemple Ahmed, 65 ans, du quartier Villiers-Barbusse. C’est important pour notre vivre ensemble de ne pas oublier les horreurs du passé. Cette mémoire nous aidera à rester vigilants face aux résurgences du racisme et de l’antisémitisme. »
À peine installée, l’exposition attire régulièrement les passants, dont une retraitée de Noisy-le-Grand, qui a perdu des membres de sa famille à Auschwitz. Elle trouve qu’« on ne parle pas assez de ce sujet », évoquant tour à tour le visage de Simone Veil couvert d’une croix gammée et la profanation de tombes juives en Alsace.
« Plus que jamais, il faut mettre en place des projets comme celui-là, soutient Pierre Leblanc. Et il n’y a pas de meilleur lieu que l’espace public. »
Exposition visible jusqu’au 1er juillet, place Jean-Jaurès.