Le djihadiste français et son coaccusé, qui niaient les faits, encourent la réclusion à perpétuité. La fixation des peines devrait être annoncée lundi.
Jugé pour l’attentat au Musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014, Mehdi Nemmouche a été reconnu coupable, jeudi 7 mars, d’être l’auteur d’un quadruple assassinat à caractère terroriste. Nacer Bendrer est considéré comme le coauteur de ces faits en ayant fourni les armes qui ont servi à la fusillade. Les deux Français, qui connaîtront leur peine lundi 11, encourent tous deux la perpétuité.
Les enquêteurs avaient présenté une montagne de preuves. Tous les éléments pointaient vers M. Nemmouche : son ADN retrouvé un peu partout, les armes avec lesquelles il a été arrêté à Marseille six jours après la fusillade, les vidéos de revendication dans l’appartement qu’il louait ou encore l’analyse morphologique des images du musée.
La cour a aussi retenu le caractère « terroriste » de l’attaque perpétrée par Mehdi Nemmouche, et a montré des liens étroits avec les attaques de Paris en 2015 et Bruxelles en 2016. Elle a notamment fait référence à des communications retrouvées dans l’ordinateur de Najim Laachraoui, le kamikaze de l’aéroport de Zaventem, dans lesquelles ce dernier émet l’idée de kidnapper des personnalités pour demander la libération de « frères qui ont travaillé comme Nemmouche ». Ou encore de vidéos de revendication retrouvées dans l’ordinateur de Mehdi Nemmouche qui indiquent que les faits du Musée juif ne constituent que « la première attaque sur la ville de Bruxelles » qui sera mise « à feu et à sang ».
La présidente souligne que les victimes ont été tuées à bout portant, « avec sang froid », en visant des parties hautement vitales, « notamment la tête ».
— Procès Mehdi Nemmouche (@LaLibreProces) 7 mars 2019
« Loup parmi les loups »
La cour a conclu que ces assassinats ont été commis « dans le but d’intimider gravement une population, plus particulièrement la communauté juive, et dans le but de porter gravement atteinte à l’Etat belge ». « Le jury populaire a jugé qu’il s’agissait du premier attentat terroriste de nature antisémite en Europe par un membre de l’organisation Etat islamique [EI] », a réagi Michèle Hirsch, avocate du Comité de coordination des organisations juives de Belgique, se réjouissant que la thèse du « loup parmi les loups » ait primé sur celle du « loup solitaire ».
La principale surprise de ce verdict porte davantage sur la culpabilité de Nacer Bendrer, codétenu de Mehdi Nemmouche à la prison de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) de 2009 à 2010. Le ministère public avait appelé, en fin de procédure, à requalifier les accusations et à déclarer Nacer Bendrer « complice » et non plus « coauteur ».
Mais les jurés en ont décidé autrement : selon eux, la culpabilité de Nacer Bendrer, arrêté avec un arsenal d’armes et de munitions dont une kalachnikov similaire à celle utilisée au musée, allait « au-delà de tout doute raisonnable » et son aide à M. Nemmouche avait bien « un caractère indispensable ». Le Marseillais âgé de 30 ans s’est effondré à la lecture de l’arrêt, pour ne relever la tête qu’au moment de quitter la salle.
Si Nacer Bendrer est revenu plusieurs fois sur ses déclarations au début de l’enquête, sa ligne de défense a été plus ou moins constante tout au long du procès : oui, Mehdi Nemmouche lui a demandé des armes, mais non, il ne lui en a pas fourni.
Les quatre victimes de l’attentat sont les époux israéliens Miriam et Emmanuel Riva, 53 et 54 ans, un employé belge de 26 ans, Alexandre Strens, et une bénévole française de 66 ans, Dominique Sabrier.
Les avocats de Mehdi Nemmouche ont tissé un scénario insensé et complotiste : selon eux, leur client se serait fait piéger par les services de renseignement iraniens ou libanais après qu’il a effectué une mission d’infiltration auprès de l’EI pour leur compte. La stratégie offensive de la défense, malgré ses petites phrases assassines, n’a pas convaincu les jurés, faute de « vraisemblance et de crédibilité ».
La présidente de la cour affirme que la théorie du complot, avancée par la défense, « ne repose sur rien ». La défense ne mentionne pas « clairement les groupes ou personnes qui auraient intérêt à piéger Nemmouche ».
— Procès Mehdi Nemmouche (@LaLibreProces) 7 mars 2019
« La défense s’est bornée à énoncer un ensemble de déductions éparses sans jamais les approfondir », a relevé la cour dans son arrêt.
Immunité de plaidoirie poussée à son paroxysme
Pour beaucoup, Mes Sébastien Courtoy et Henri Laquay ont poussé les limites de l’immunité de plaidoirie à son paroxysme, n’hésitant pas à comparer les procureurs à des guillotineurs ou les enquêteurs à des êtres corrompus. Un sommet a été atteint lors de l’audition des otages français retenus en Syrie entre 2013 et 2014, que Me Sébastien Courtoy a accusés de mentir. Les journalistes Nicolas Hénin et Didier François, entendus comme témoins, avaient identifié Mehdi Nemmouche comme l’un de leurs geôliers, au côté de Najim Laachraoui.
Ce n’est pas encore l’épilogue de la tuerie du musée juif, mais la culpabilité est désormais établie par un jury. Il n’y a pas d’appel possible. Seul un éventuel pourvoi en cassation est envisageable pour vices de procédure ou mauvaise interprétation ou application de la loi.
— Procès Mehdi Nemmouche (@LaLibreProces) 7 mars 2019
Le Congrès juif mondial satisfait du verdict
Le Congrès juif mondial (World Jewish Congress, en anglais) a exprimé sa satisfaction après l’arrêt sur la culpabilité rendu par la cour d’assises de Bruxelles dans le procès sur l’attentat au Musée juif, qui avait coûté la vie à quatre personnes en 2014.
« Au nom de notre président et de notre communauté représentée dans plus de 100 pays, nous nous félicitons de ce verdict », a déclaré le vice-président et CEO du Congrès juif mondial, Robert Singer. « Justice est ainsi un peu rendue aux proches des victimes qui ont été abattues de manière si brutale ainsi qu’à la communauté juive dans son ensemble. » « Cette attaque a eu lieu à un moment où l‘antisémitisme était en recrudescence en Europe et malheureusement, depuis lors, ça n’a cessé de s’accroître », poursuit le vice-président. « Et bien que nous appréciions les mesures de sécurité accrues, qui ont été mises en place par les autorités belges, nous ne nous sentons toujours pas en sécurité. Nous devons rester vigilants et nous assurer que des actes aussi barbares ne se reproduisent plus jamais, que ce soit en Belgique ou ailleurs en Europe. » « Nous déplorons que certains avocats aient autant fait usage de théories du complot peu crédibles lors du procès et aient diabolisé Israël« , a encore déclaré M. Singer. « Nous ne pouvons qu’espérer que les juges aient réalisé à quel point il est dangereux de permettre de tels clichés dans une salle d’audience.