Ce mercredi, l’université d’Evry-Courcouronnes a reçu Jenny Plocki, survivante de la Shoah âgée de 93 ans. Son récit faisait partie d’une matinée consacrée à la mémoire des génocides.
« Il ne faut pas uniquement lutter contre l’antisémitisme. Il faut se battre contre toutes les formes de racisme. » À 93 ans, Jenny Plocki milite toujours contre les injustices. À l’heure où la France connaît une recrudescence des actes antisémites, cette rescapée de la rafle du Vel d’Hiv a livré son histoire aux étudiants de l’université d’Evry-Courcouronnes. Celle d’une adolescente de 16 ans marquée par la disparition de ses parents, exterminés à Auschwitz-Birkenau.
Le portrait de Simone Veil défiguré par une croix gammée, l’inscription « Juden » sur la devanture d’une boutique parisienne, ou encore l’affaire des arbres sciés plantés en hommage à Ilan Halimi. L’antisémitisme s’affiche désormais au grand jour. « Ça me révolte, peste cette nonagénaire au caractère bien trempé. Les gens ne se cachent plus. »
Pendant plus d’une heure, l’ancienne institutrice a livré son récit aux étudiants. « Dès 1933, mes parents ont senti que ça allait mal se passer, se souvient-elle. Entre-temps, le mythe antisémite selon lequel les juifs étaient riches s’est développé. »
«Une femme, pourtant bon chic bon genre, a craché à mes pieds»
« Les rumeurs qui grandissaient ont alors pris tout leur sens, ajoute-t-elle. En juin 1942, nous avons commencé à porter l’étoile jaune. » Rebelle, la jeune Jenny la coud sur son écharpe. « C’était interdit mais ça me permettait de choisir de la mettre ou pas en fonction des quartiers de Paris où je me rendais. » L’adolescente n’a pas encore 16 ans et pourtant, elle vit déjà ses premières scènes d’humiliation. « Une femme, pourtant bon chic bon genre, a craché à mes pieds », reprend Jenny. Pendant l’occupation, seule la dernière rame du métro nous était autorisée. Nous avions aussi des heures de sortie et le cinéma, le théâtre, la radio ou encore le téléphone étaient formellement interdits. »
La veille de la rafle du Vel d’Hiv (NDLR : la rafle a eu lieu les 16 et 17 juillet 1942), les craintes redoublent de plus belle. Le 17 juillet 1942, quelqu’un frappe à la porte du domicile de la famille à Vincennes. « Le flic qui est venu nous arrêter était notre ancien voisin. Il nous connaissait bien… Ma mère lui a dit « pas les enfants quand même ! ». Il a répondu : « Si, tout le monde. »
Le spectre d’un antisémitisme décomplexé
À la différence de leurs parents, qui seront exterminés à Auschwitz-Birkenau, Jenny et son frère ne sont finalement pas envoyés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis). « Avant que je parte, je suis restée deux heures avec ma mère, conclut-elle. Je ne vous dirai pas ce qu’elle m’a raconté, parce que je ne peux pas, mais ces deux heures ont fait de moi une femme libre et indépendante. »
Après un peu plus d’une heure d’échanges, les étudiants profitent d’une courte pause pour prendre l’air. « Évidemment, ce témoignage fait écho à l’actualité, souffle Lison, 20 ans. On fait face à un antisémitisme décomplexé. Il ne faut pas oublier ce que ces personnes ont vécu et le climat qui régnait à l’époque car c’est tout cela qui se cache derrière une croix gammée. »