Venise vibre au rythme de son carnaval jusqu’au 5 mars. Cette année le thème retenu est « Creatum Vanity Af-fair » : la « Foire de la Vanité et de la Beauté ».
Cette tradition qui remonte au Moyen-Âge voit la Sérénissime envahie de personnages magnifiquement costumés et masqués. Derrière ces masques se cachent des histoires et des coutumes. De la féerie aux palais secrets, suivez-nous.
Les premières traces du carnaval de Venise remontent au 10e siècle mais, interdit par Napoléon à la fin du 18e siècle, le carnaval a disparu pendant près de deux cents ans. La mémoire s’est estompée sans s’effacer complètement, pour ressusciter l’événement en 1979. A l’époque, les Brigades rouges sévissaient dans la péninsule. il fallait trouver le moyen de redonner le moral aux Italiens. Gianni de Luigi a fait partie de ceux qui ont fait revivre le carnaval : « Toute l’Italie était angoissée. La meilleure chose à faire c’était de faire un carnaval de la culture qui rassemblait théâtre, danse et musique, et où les gens auraient envie de se retrouver masqués mais ensemble . »
Le saut de l’Ange
Ce 23 février des milliers de personnes en costume d’époque sont rassemblées place Saint-Marc. Toutes ont le regard tourné vers le sommet du Campanile, à 99 mètres au dessus du sol, d’où un ange costumé suspendu à un câble s’apprête à rejoindre les mortels sur la place. Un ange habillé d’une robe papillon créée par Stefano Nicolao, spécialiste de robes de spectacles. C’est Erica, une jeune femme de près d’1m80 qui la porte, après de nombreux essayages depuis le mois de janvier.
Les Français stars du carnaval
De l’aveu même de Gianni de Luigi, si le carnaval revit c’est en partie grâce aux Français sans doute les plus créatifs parmi les carnavaliers. Un palais sur le Grand Canal, Florence vit ici depuis 6 ans. Elle est illustratrice de livres anciens. Pour le carnaval de cette année, elle a prévu cinq tenues différentes selon les soirées. A Paris, Maxime, couturier, a choisi lui aussi différentes tenues. Des costumes pas toujours très confortables. Il ne tolère aucune erreur sur les matières, les coupes et accessoires, pour son personnage de bourgeois gentilhomme du 18e qu’il va « incarner ». Il boucle sa valise et s’envole vers Venise.
Les visages de Venise
« La procession des Marie » est le défilé le plus solennel de toute la période du carnaval. Douze jeunes filles sont portées en triomphe par de jeunes marins. Une procession qui commémore une bataille contre les Ottomans en 947. Enlevées par des pirates, des femmes avaient alors été délivrées par des Vénitiens. Pour y participer les jeunes filles de la ville doivent passer par un comité de sélection. C’est le cas de Linda, étudiante en théâtre. Elle va faire partie des 12 heureuses élues parmi les 86 candidates en lice. Elle doit très vite essayer sa robe du 15e siècle. L’ange du carnaval 2020 sera choisi parmi les 12 jeunes Marie de cette année.
Sur la scène du Grand Canal
Chaque année à Venise, on célèbre le mariage entre la ville et l’eau. Résultat : la parade nautique sur le Grand Canal offre de purs moments de féérie. Sur les quais 13 000 spectateurs se régalent d’un spectacle longuement préparé. Sylvia est la grande coordinatrice de ce « Mariage entre la mer et la lune ».
Le lendemain on prépare déjà le « Défilé des familles », installées ici depuis des générations. Un défilé porteur de messages. Ainsi le bateau qui ouvre le défilé représente un rat. Un appel au secours des Vénitiens qui estiment que leur ville est en train de mourir étouffée. « Les rats seront les derniers Véntiens » affirme un batelier. Ce défilé de 160 bateaux et de 800 navigateurs appartient aux gens d’ici, pour qui c’est le vrai début du carnaval.
Les fêtes secrètes de Venise
Il y a 50 ans, il était impossible de trouver le moindre masque à Venise. Sous le coup de l’interdiction napoléonienne, l’art ancestral avait disparu après avoir connu son apogée au 18e siècle. Rencontre avec Mario Belloni qui a contribué à relancer l’art des masques qui, il y a longtemps, pouvaient être portés pendant 6 mois de l’année car ils faisaient partie intégrante du mode de vie. Il a fallu tout réinventer, retrouver les figures historiques. Les masques sont redevenus des objets à posséder et un patrimoine à transmettre aux plus jeunes.
Florence, l’illustratrice française, nous fait pénétrer dans une soirée très privée de Venise où les invités ont le sentiment d’être transportés plusieurs siècles en arrière. Des soirées sur lesquelles souffle l’esprit de Vivaldi, prêtre libertin, sorte de « Casanova sacré », comme le qualifie Gianni de Lucia. Des masques et costumes tombent au rythme de… »Sweet Dreams » d’Eurythmics !
Il faut accepter de se perdre à Venise. Accepter de comprendre qu’il n’y a rien à comprendre – Gianni de Luigi