Il est urgent de prendre la mesure des choses et de comprendre que l’antisionisme est tout simplement de l’antisémitisme, écrit le rabbin François Garaï, rabbin à Genève.
Chaque nation ou chaque peuple qui s’identifie comme tel a le droit d’avoir une patrie. Les Occidentaux et les Arabes en ont plusieurs. Mais plusieurs entités «nationales» n’ont pas droit à cela: les Kurdes par exemple et les Juifs également. Les Kurdes réclament leur indépendance. Elle leur est refusée car ce serait revenir sur des oublis volontaires qui assurèrent le découpage du Moyen-Orient après l’effondrement de l’Empire ottoman. Pour certains, comme l’Iran, il en va de même pour les Juifs, auxquels on ne devrait pas accorder la possibilité d’avoir une identité politique nationale. C’est cela l’antisionisme. Il formule un interdit frappant les Juifs parce que juifs. En fait, c’est de l’antisémitisme déguisé.
Depuis Toulouse en 2012, les assassinats de Juifs en Europe sont tous le fait de personnes musulmanes qui prétendent défendre les Palestiniens en s’en prenant aux Juifs. Pour ces assassins, il n’y a aucune différence entre «sionistes» et «Juifs». Telle est également l’une des leçons de l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut. Le «gilet jaune» dont on a vu le visage et entendu les propos haineux renvoyait le philosophe à son origine religieuse tout en le traitant de sioniste et lui souhaitant la mort. Pour ce «gilet jaune» qui fréquente des milieux de l’islam salafiste, aucun doute, Juif et sioniste recouvrent la même réalité.
Résolution contre Israël
Il en va de même du mouvement BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) qui s’attaque à Israël et à Israël seul. S’il s’attaquait à toutes les injustices étatiques dans le monde, il devrait inciter au boycott, au désinvestissement et à des sanctions contre les pays refusant aux Kurdes un destin national. Il pourrait également faire de même à l’encontre de la Chine qui refuse aux Tibétains le droit d’avoir un Etat, Etat qui fut une réalité depuis les temps les plus anciens et de manière continue jusqu’en 1951.
Cette même question peut être posée à la Commission des droits humains qui va se réunir prochainement à Genève. Comme chaque année, elle va voter de nombreuses résolutions condamnant Israël. Il est vrai que la Chine a un poids politique sans commune mesure avec Israël. On ne peut pas s’attaquer à la Chine, ni à la Syrie et à d’autres encore, mais on peut s’attaquer à Israël.
Une feuille de vigne
L’antisionisme est la feuille de vigne qui cache un antisémitisme viscéral. L’antisionisme est le bras politique de l’antisémitisme, rien de plus et rien de moins. Si nous ne comprenons pas cela, toutes les bonnes intentions ne seront que des paroles vides de sens. La lutte contre l’antisémitisme est une action de longue haleine. Elle semble trop difficile pour certains Etats car ceux-ci devraient reconnaître leur propre responsabilité. Leurs silences et leur propension à excuser les actes antisémites commis sous couvert d’antisionisme ont fait le lit de la haine envers les Juifs.
Je continue à espérer la paix entre Palestiniens et Israéliens. Pour qu’il en soit ainsi, les uns ne peuvent pas être accusés de tous les maux et les autres blanchis de tous leurs méfaits. Quant à ce qui se passe dans nos pays, il est urgent de prendre la mesure des choses et de comprendre que l’antisionisme est tout simplement de l’antisémitisme.