Les hommes haredim reçoivent une aide financière censée leur permettre de ne pas travailler pour se consacrer aux études religieuses. Mais son montant est insuffisant pour subvenir à leurs besoins. Beaucoup suivent des formations spécialisées pour trouver un emploi.
Sur les murs du centre Kivun, à deux pas de la gare centrale de Jérusalem, les portraits de grands rabbins haredim semblent épier les allers et venues. En ce milieu d’après midi, l’ambiance est studieuse. Dans une salle, une dizaine d’hommes suivent un cours d’anglais tandis qu’à l’accueil, d’autres discutent de leur projet professionnel avec un formateur.
Ouvert en 2014, le centre, créé en partenariat avec le ministère de l’économie et la mairie de Jérusalem, aide les femmes mais surtout les hommes ultra-orthodoxes à rentrer sur le marché de l’emploi. Le gouvernement israélien veut inciter à travailler cette population de près d’un million de personnes, dont la moitié vivrait sous le seuil de pauvreté. Mais sans leur faire abandonner leurs préceptes religieux. Un casse-tête.
Un ultra-orthodoxe sur deux travaille
Depuis 1977 et l’intégration du parti hassidique Agudat Israël dans le gouvernement de Menachem Begin, les « hommes en noir » reçoivent une rente mensuelle de l’État pour leur permettre de se consacrer entièrement à l’étude de la Torah et du Talmud. Aujourd’hui 88 % des hommes juifs non haredim travaillent en Israël, contre 51 % au sein de la communauté ultra-orthodoxe.
À l’entrée du centre Kivun, une rangée de bureaux accueille les nouveaux venus. D’allure bonhomme, Eliyahu Pollack aide les « craignant-Dieu » (haredim) à « découvrir ce que leur âme a envie d’étudier », une tâche difficile quand ces derniers n’ont souvent aucune expérience du monde professionnel.
Toulousain d’origine, Ephraïm Allouche a profité des services offerts par la fondation ayant donné naissance à Kivun pour monter son entreprise en ligne. « Ici j’ai trouvé un endroit où travailler dans de bonnes conditions à dix minutes de chez moi. Travailler en communauté me permet d’échanger avec les autres personnes sur place » explique l’entrepreneur, soulignant « l’importance » pour Israël « d’intégrer les Haredim. »
Les ultra-orthodoxes, 20 % de la population en 2039
Aujourd’hui, le Israël Democracy Institute (IDI) estime que la moitié des « hommes en noir » vivraient sous le seuil de pauvreté et qu’ils pourraient représenter 20 % de la population en 2039, contre 12 % aujourd’hui. Faute d’alternative, ils sont de plus en plus à vouloir intégrer le marché du travail.
Étudier sans « perdre son identité », c’est ce que le centre Kivun et la fondation Kemach, qui se perçoivent comme un intermédiaire entre les différentes communautés Haredim et le gouvernement israélien, mettent en avant. Lors des formations, femmes et hommes sont donc séparées et, d’Internet à la nourriture, tout est casher.
Depuis l’ouverture du centre, près de 20 000 personnes ont bénéficié de ses entretiens particuliers et des cours proposés. Pourtant « le problème de l’emploi des hommes haredim ne pourra se régler que lorsque l’éducation des jeunes intégrera des cours classiques en plus des études religieuses » juge Eitan Regev, économiste au sein de l’IDI.
« En 1979, 84 % des hommes ultra-orthodoxes travaillaient » rappelle le chercheur pour qui le problème actuel est avant tout politique. « Tant que les partis religieux qui sont au gouvernement auront les moyens d’y faire pression, ce dernier ne pourra pas les contraindre ».
Faute de mesures plus drastiques, le gouvernement israélien soutient massivement les organisations comme le centre Kivun. Ces cinq dernières années, cinq milliards de dollars ont ainsi été investis dans les formations professionnelles pour les « craignant-Dieu ».
Salomé Parent