Avec sa perruque et sa jupe longue, tenue traditionnelle des juives religieuses, Michal Zernowitski détonne au sein du parti travailliste, de gauche et laïc. Elle espère pourtant entrer au parlement israélien en avril, pour y représenter les femmes ultra-orthodoxes.
« Si je m’étais présentée (…) il y a dix ans, les gens auraient trouvé ça très bizarre », assure la candidate de 38 ans entre deux rendez-vous près de Tel-Aviv. Aujourd’hui, « la majorité me demande plutôt: +pourquoi au parti travailliste, pourquoi pas à droite ?+ », sourit l’ancienne développeuse informatique, qui fait campagne pour tenter de décrocher une position éligible sur la liste du parti historique de la gauche israélienne.
Michal Zernowitski fait partie des « haredim » qui représentent environ 10 % des quelque neuf millions d’habitants.Deux grands partis, Yahadout HaTorah et le Shass, se partagent de longue date cet électorat et comptent 13 sièges au Parlement (Knesset). Aucun ne présente de femmes aux élections.
« Selon leur interprétation des textes religieux, les femmes n’ont pas le droit de gouverner« , explique Gilad Malach, directeur du programme consacré aux ultra-orthodoxes à l’Israel Democracy Institute. Des voix s’étaient même élevées autrefois chez les ultra-orthodoxes pour interdire le vote des femmes, ajoute-t-il.
« Ce n’est pas dans les lois du judaïsme, c’est du conservatisme », rétorque Michal Zernowitski, qui se dit à la fois religieuse et féministe.
« Pas éligible, pas électrice »
De son appartement de Petah Tikva, dans le centre d’Israël, Esty Shushan, une fille de rabbin, a consulté de nombreux religieux, dont son père, et se montre également catégorique: rien dans les textes sacrés n’empêche les femmes de s’engager en politique.
Il y a six ans, « j’ai ouvert une page Facebook, intitulée +Lo Nivcharot, Lo Bocharot+, +Pas éligible, pas électrice+ » pour « qu’on arrête de voter pour ces partis qui interdisent aux femmes de se présenter », explique cette mère de quatre enfants, mariée à 19 ans. La première à lui écrire fut Michal Zernowitski.
Depuis, Esty Shushan a lancé le mouvement « Nivcharot« , qui forme les femmes ultra-orthodoxes désirant se lancer en politique et a réussi, en saisissant la Cour suprême, à faire lever l’interdiction pour les femmes de devenir membre de Yahadout HaTorah.
Mais le parti, qui assure défendre les intérêts de tous les haredim –hommes et femmes–, reste inflexible. L’exclusion des femmes de la politique est un choix « historique des grands rabbins depuis la création de l’Etat » d’Israël, a répondu Yahadout Hatorah dans un communiqué à l’AFP. Le parti Shass n’a de son côté pas répondu aux sollicitations.
« Religieuse » et « libérale »
Michal Zernowitski, après avoir un temps milité en faveur de Yahadout HaTorah, a finalement rejoint en 2010 le parti travailliste, dont la sensibilité politique est la plus proche de ses convictions, dit-elle. Elle y a créé une section pour les haredim, qui accueille aujourd’hui des « centaines de membres ».
Nombre de juives ultra-orthodoxes subviennent aux besoins de leur foyer –les hommes consacrant leurs journées à l’étude des textes sacrés et à la prière–, et celles-ci doivent pouvoir se faire entendre, argue-t-elle.
Sa présence chez les travaillistes a toutefois d’abord dérangé. On l’interrogeait sur la circulation des transports publics le jour sacré de repos hebdomadaire (shabbat) ou sur les homosexuels, deux sujets de réprobation chez les ultra-orthodoxes.
« Je suis une femme religieuse, mais aussi libérale », se défend la trentenaire, qui veut être la représentante d’une nouvelle génération de haredim plus ouverte. Ceux-ci représentent « une infime minorité », et la plupart des femmes de cette communauté soutiennent l’interdiction de s’impliquer en politique, avance cependant l’expert de l’Israel Democracy Institute.
Parmi celles qui franchissent le pas, certaines le paient cher, reconnaît Michal Zernowitski, citant le cas d’une femme dont le mari a été licencié parce qu’elle faisait de la politique. Mais elle assure, pour sa part, avoir le soutien de ses proches. A ce jour, une seule ultra-orthodoxe a siégé à la Knesset: en 2008, Tzvia Greenfield avait remplacé un député démissionnaire du Meretz (gauche), sans parvenir à être élue l’année suivante.
Malgré son enthousiasme, Michal Zernowitski a elle-même peu de chances le 9 avril: le parti travailliste est en pleine débâcle et les ténors se bousculent pour réserver les positions éligibles sur la liste qui sortira des primaires du 11 février.
Certains regards se tournent vers Adina Bar-Shalom, fille du fondateur du parti Shass et figure populaire, qui a créé son propre parti. Si elle ne parvient pas non plus à être élue, les portes de la Knesset resteront closes pour les femmes ultra-orthodoxes.