Il y a 74 ans, le camp d’Auschwitz-Birkenau a été libéré par les troupes soviétiques. Le 27 janvier 1945, devenue la journée internationale de mémoire aux victimes de l’holocauste. L’Alsacienne Simone Polak a connu l’enfer des camps. Après 70 ans de silence, elle décide de témoigner.
Son livre, Simone Polak a décidé de l’écrire à presque 90 ans. Sept décennies après être revenue d’Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen. « Au travail, mes collègues ne connaissaient rien de mon histoire, ma famille non plus ne connaissait pas la vraie histoire, » explique la quasi-nonagénaire au regard clair et bienveillant. En 2015, Simone Polak est invitée avec d’autres survivants par François Hollande pour les 70 ans de la libération d’Auschwitz-Birkenau. « Je me suis rendue compte que d’autres avaient parlé« . Elle décide d’en faire de même et contacte Muriel Klein-Zolty, écrivaine publique. « Elle m’a dit : ‘C’est le moment, peux-tu m’aider ?‘ » raconte l’écrivaine qui découvre alors la « boîte à malices » de Simone, une boîte contenant des dizaines de feuillets. Ensemble, elles vont réussir à mettre des mots sur tout le reste.
70 ans de silence
Lorsqu’on lui demande la raison de son silence pendant toutes ces années, Simone Polak explique : « À la sortie de la guerre, les gens voulaient passer à autre chose, et puis si on racontait, personne ne nous croyait. Ça a pris des années. » Muriel Klein-Zolty complète : « Ce qui fait la particularité de la reconstruction de Simone c’est qu’elle s’est passée à Strasbourg avec le contexte alsacien. À son retour, elle s’est retrouvée face à d’autres victimes : les Malgré nous, les victimes des bombardements… Donc elle a eu encore plus de mal à parler. » Mais alors pourquoi parler aujourd’hui ? « Il y a de plus en plus d’antisémitisme et de racisme. Je veux avertir les personnes, les jeunes, sur ce à quoi cela peut aboutir. »
L’antisémitisme et le racisme ambiants, répond du tac au tac la nonagénaire. La rescapée échangeait déjà depuis plusieurs années avec des groupes, scolaires ou autres, mais avec cet ouvrage elle souhaite aller plus loin. « Il y a des choses, des violences dans ce livre que je n’avais jamais dites. » Ce jeudi 24 janvier, la nonagénaire est allée à la rencontre d’élèves du lycée Fustel-de-Coulanges à Strasbourg, qui ont étudié son livre avec leur enseignant d’histoire-géographie Aydin Basarslan.
Devant une centaine d’élèves, Simone Polak raconte : sa naissance à Schirmeck, son enfance à Saverne, le départ à 15 ans, le premier enfermement à Drancy, le trajet infernal… et le titre de son livre : « Agis comme si j’étais toujours à tes côtés », les dernières paroles de sa mère lorsqu’elles arrivent à Auschwitz-Birkenau et sont séparées. Sa mère et son frère qu’elle ne reverra plus. Suivent les journées à porter des pierres, la faim, la fatigue, le froid, le passage à Bergen-Belsen, puis le retour difficile à Strasbourg, avec une longue maladie – la tuberculose osseuse – et le silence.
« Nous sommes peut-être la dernière génération à rencontrer des rescapés »
Les élèves sont captivés et les questions fusent : « Comment est-ce que vous avez pu ne pas détester l’humain ?« , « Comment vivre après ça ?« , « Est-ce que porter votre tatouage a été difficile ? » Assise devant l’assemblée, Simone Polak écoute avec attention et répond : « Pour avancer, il faut le vouloir, il faut être capable d’aimer les autres. » Elle ne manque d’ailleurs pas de malice : « Un médecin m’a suggéré de faire enlever mon tatouage car à l’époque on ne savait pas ce que ça voulait dire, les tatouages n’étaient pas à la mode, ils étaient portées par des femmes de petite vertu. Mais je l’ai toujours, vous voulez le voir ? » demande-t-elle aux jeunes qui acquiescent aussitôt. « Je ne vous cache pas que je n’en ferai pas d’autre » ajoute la nonagénaire en esquissant un sourire et en relevant sa manche.
Thomas sort marqué de l’échange : « Etant d’origine juive et polonaise, j’aurais plus de famille aujourd’hui s’il n’y avait pas eu l’holocauste… C’était d’autant plus fort de pouvoir la rencontrer. » Lui-même confirme que la parole sur la Shoah reste difficile dans sa famille. Alice se sent aussi touchée : « Je pense qu’on prend conscience qu’on est peut-être la dernière génération à rencontrer des rescapés.Dans quelques années, les seules traces qu’il restera ce sera les camps. Il faut qu’on transmette. » Leur classe partira dans deux semaines à Auschwitz-Birkenau… sur les traces de Simone Polak mais aussi des 1 100 000 morts.