Le procès de Mehdi Nemmouche, délinquant multirécidiviste radicalisé en prison et accusé d’avoir ouvert le feu dans le hall d’entrée du Musée juif, le 24 mai 2014, tuant 4 personnes, commencera officiellement jeudi.
Mehdi Nemmouche, jihadiste français accusé des quatre assassinats commis en 2014 au Musée juif de Bruxelles, comparaît lundi devant la cour d’assises de la capitale belge pour une nouvelle audience préparatoire, trois jours avant l’ouverture de son procès placé sous étroite surveillance policière.
L’audience, convoquée à 9h00 (08h00 GMT), vise à désigner le jury populaire qui décidera avec les magistrats de la cour du sort du jihadiste. Le procès commencera officiellement jeudi avec la lecture de l’acte d’accusation et pourrait durer jusqu’à fin février.
L’attentat antisémite de Bruxelles avait ému la communauté internationale. Plus de 300 journalistes belges et étrangers sont accrédités pour suivre les débats.
Nemmouche et son complice présumé encourent la prison à perpétuité
Jugé avec un complice présumé, un autre Français qui doit aussi répondre d’« assassinat terroriste » et encourt comme lui la prison à perpétuité, Mehdi Nemmouche, 33 ans, fait figure de principal accusé.
Si les 12 jurés soutiennent la thèse de l’accusation, la tuerie du musée juif restera comme le premier attentat commis en Europe par un combattant jihadiste de retour de Syrie, dix-huit mois avant le sanglant 13 novembre 2015 (130 morts à Paris).
Pour sa part, Nemmouche, délinquant multirécidviste qui s’est radicalisé en prison, nie les faits. Il veut « voir son innocence reconnue », comme l’a dit un de ses avocats le 20 décembre lors d’une première audience préliminaire.
Des preuves jugées « accablantes »
En face, sur les bancs des parties civiles, familles et associations juives estiment à l’inverse que les preuves rassemblées contre lui sont « accablantes ».
Selon l’accusation, Nemmouche est l’homme qui, le 24 mai 2014, a ouvert le feu dans le hall d’entrée du Musée juif, tuant un couple de touristes israéliens, une bénévole française et un jeune employé belge du site. Un quadruple assassinat exécuté en 82 secondes, comme s’il était l’oeuvre d’un tueur professionnel.
A l’époque, le natif de Roubaix (nord) était revenu depuis peu de Syrie où il avait combattu dans les rangs jihadistes. Soupçonné d’y avoir été l’un des geôliers de quatre journalistes français (appelés à témoigner aux assises de Bruxelles), il a été inculpé fin 2017 à Paris et un autre procès se profile pour lui en France.
Admirateur de Mohamed Merah
Dans l’enquête française sur cette séquestration, Nemmouche a été dépeint en gardien « violent », tortionnaire de prisonniers syriens et admirateur de Mohamed Merah, l’homme qui avait tué trois enfants et un père juifs en 2012 à Toulouse (sud de la France).
Pour Yohan Benizri, président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), partie civile au procès, le caractère antisémite des assassinats reprochés à l’accusé ne fait aucun doute.
La crainte, a confié M. Benizri à l’AFP, est que ses avocats, Sébastien Courtoy et Henri Laquay, tentent de « minimiser » cet aspect antisémite, ou de « tenir un discours de type complotiste ».
Anciens avocats de Dieudonné
L’hypothèse de la responsabilité d’agents israéliens a déjà été évoquée à demi-mot le 20 décembre par Me Courtoy. Avec Me Laquay, cet avocat controversé a défendu dans le passé en Belgique le polémiste Dieudonné, plusieurs fois condamné en France pour injure raciale, incitation à la haine et apologie du terrorisme.
Six jours après la tuerie, Nemmouche avait été arrêté le 30 mai 2014 en possession d’un revolver et d’un fusil d’assaut à la gare routière de Marseille, où s’est ensuite concentrée une partie de l’enquête.
C’est là que son co-accusé Nacer Bendrer a été arrêté en décembre 2014, soupçonné de l’avoir aidé à se fournir en armes.
Rencontre à la prison de Salon-de-Provence
En 2009-2010, les deux délinquants avaient fait connaissance à la prison de Salon-de-Provence (sud). Incarcérés dans le même bâtiment, ils étaient décrits comme radicalisés, faisant du « prosélytisme » auprès des autres détenus musulmans.
Leur proximité est attestée dans l’enquête par 46 contacts téléphoniques en l’espace de quinze jours en avril 2014, époque à laquelle Nemmouche est soupçonné d’être en pleins préparatifs. Durant ces quelques semaines avant la tuerie, ils se seraient vus plusieurs fois à Bruxelles et Marseille.
Bendrer, 30 ans, clame aussi son innocence. En France, dans un autre dossier, il a été condamné en septembre à cinq ans de prison pour une tentative d’extorsion de fonds dans le milieu marseillais du narcobanditisme.
La communauté juive craint une dérive « complotiste » de la défense
Yohan Benizri, représentant de la communauté juive de Belgique, craint que la défense au procès de Mehdi Nemmouche ne cherche « à minimiser le caractère antisémite » de la tuerie au musée juif de Bruxelles ou ne dérive vers un « discours complotiste ».
Le procès de Mehdi Nemmouche, accusé de quatre assassinats au musée juif en 2014, s’ouvrira jeudi. Qu’en attendez-vous ?
Le dossier d’instruction est effroyable. Le faisceau de preuves contre Mehdi Nemmouche est accablant. Nous ne comprendrions pas que ce monsieur ne soit pas condamné. Les faits vont être exposés aux yeux de tous. Ce sera très, très difficile, sinon impossible, de ne pas voir toutes ces preuves accumulées. Je suis persuadé que les jurés en prendront toute la mesure.
Avez-vous des craintes ?
La défense de Nemmouche, lui peut-être, va tenter soit de minimiser le caractère antisémite de cet attentat terroriste, soit de tenir un discours de type complotiste. Je ne veux pas me faire l’écho de ces bêtises, mais il y a eu des allégations tout à fait farfelues sur le Mossad qui serait derrière cette affaire (hypothèse évoquée, notamment, par la défense de Nemmouche, NDLR). Il y avait le même type de discours dans les cercles complotistes et antisémites après les attentats du 11-Septembre aux États-Unis. Ces théories complotistes visent à dénaturer le débat, à le déplacer ailleurs. Nous ne voulons pas que Mehdi Nemmouche devienne une star. C’est un terroriste, quelqu’un dont on n’attend pas la parole.
Depuis la fin des années 90, la communauté juive de Belgique avait été épargnée par les attentats meurtriers. Avez-vous été surpris qu’un tel acte ait été perpétré à Bruxelles ?
Il y avait un antisémitisme latent et un certain nombre d’incidents antisémites inquiétants, mais le traumatisme d’un attentat contre une cible juive remontait à des dizaines d’années. Mais nous n’étions pas naïfs : dans les pays voisins, il y a eu des attentats antisémites graves, notamment à Toulouse (le 19 mars 2012, Mohammed Merah a tué trois enfants et un professeur juifs, NDLR). Face à la menace à laquelle nous faisions face, nous savions que les frontières ne compteraient pas (…). Nemmouche voulait répéter ce qu’a fait Merah.