La période des fêtes de fin d’année a mis en lumière la résurgence du racisme et de l’antisémitisme dans la Premier League anglaise.
Triste fin d’année dans les stades britanniques. Les supporteurs de Tottenham Hotspur ont été la cible de slogans antisémites de la part de fans de deux autres grands clubs londoniens, Chelsea et Arsenal. Bien que la grande majorité des fans de Spurs ne soient pas juifs, le club est étroitement associé à la communauté juive du nord de la capitale où est situé son stade. Les insultes « Yids » (littéralement youpins) lancées par les hooligans rivaux rappellent les mauvais souvenirs des marches antisémites des milices fascistes d’Oswald Mosley dans les années 30.
Autres cibles d’attaques racistes, les joueurs noirs qui constituent 40 % des effectifs de la Premier League. Le dernier en date des incidents concerne les chants ouvertement racistes de supporteurs d’Everton à l’encontre de leur propre défenseur, le Colombien Yerry Mina. Par ailleurs, un supporteur de Tottenham a été banni pendant quatre ans pour avoir lancé une peau de banane au milieu de terrain d’Arsenal Pierre-Emerick Aubameyang.
Les tabloïds accusés
Quant à la star d’origine jamaïcaine de Manchester City Raheem Sterling, elle a provoqué une polémique de tous les diables en accusant la presse tabloïd d’encourager les dérives racistes en soulignant le style de vie clinquant des joueurs noirs comparé à celui faussement plus pépère de leurs collègues blancs.
Pour couronner le tout, une récente enquête comparant la situation des arbitres dans les premières divisions anglaise, française et néerlandaise, souligne le sort peu enviable des hommes en noir d’outre-Manche plus souvent agressés sur le terrain que leurs confrères du continent. Pour contrecarrer la montée de la violence des joueurs à leur encontre, la Premier League envisage de les doter de caméras pour identifier les fauteurs de troubles.
Un débat identitaire exacerbé
« Le hooliganisme n’a jamais vraiment disparu des stades anglais, mais la situation s’était stabilisée. Le Brexit a exacerbé les inquiétudes envers l’avenir. Le climat délétère actuel est à l’origine de la montée des incidents à caractère raciste » : John Williams, sociologue du foot de l’université de Leicester, explique cette flambée par la controverse sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne qui aurait libéré la parole. L’approche du divorce d’avec Bruxelles, prévu le 29 mars 2019, et la controverse sur l’afflux à Douvres de migrants venus de France n’ont fait qu’exacerber le débat sur l’identité anglaise. La Premier League focalise cette ambiance anxiogène en raison du nombre record d’étrangers qui y évoluent ainsi que du succès planétaire de ce championnat.
Pour John Williams, les dirigeants de la Premier League portent une lourde part de responsabilité dans ce regain de violence. « Ce sont tous des hommes blancs qui pratiquent la cooptation et l’entre-soi. Le racisme anti-noir est institutionnalisé. » Ainsi, dans ce championnat bariolé, il n’y a qu’un seul manager noir, Chris Hutton, qui dirige Brighton & Hove Albion, un club de mi-classement.
Enfin, l’organisme officiel de lutte contre le racisme dans le foot, Kick It Out, est dénué de tout pouvoir de coercition. Financée par les clubs, cette association dépourvue de toute autonomie a tendance à enterrer les affaires les plus gênantes pour ses mandants.
« Une chronique de la violence contenue »
Cette recrudescence des incidents racistes et antisémites est également associée à la tradition du foot anglais, l’atmosphère tribale intense, le rituel rude, la réunion sacrée de mâles, la forte consommation de bière, sans parler de la longue tradition de violence dans les gradins. Les 39 morts de la tragédie du Heysel, le 29 mars 1985, provoquée par des hooligans de Liverpool, sont dans toutes les mémoires. Comme l’écrivait Anthony Burgess, auteur du roman sauvage Orange mécanique, « les Anglais sont un peuple virulent, leur histoire est en partie une chronique de la violence contenue ».