Derrière un grillage, se dresse la synagogue de Benfeld. Son extérieur modeste abrite pourtant un trésor architectural riche en histoire puisqu’elle est la seule synagogue d’Alsace ayant survécu aux profanations perpétrées par les nazis.
L’histoire du judaïsme en Alsace est jonchée d’épisodes tristes sur fond d’antisémitisme. En janvier 1349, une réunion tenue à Benfeld décide d’interdire aux Juifs l’accès aux villes de la région, les tenant responsables de l’épidémie de peste noire qui sévit alors. Revenant à Benfeld en 1632 lors de la montée du protestantisme, puis la quittant à nouveau en 1652 lorsque le catholicisme reprend ses droits, ils n’obtiendront finalement la citoyenneté française qu’après la Révolution.
Dès lors, beaucoup vont migrer depuis les petits villages vers les communes plus importantes. En 1846, la population juive est assez nombreuse dans Benfeld pour justifier la construction de la synagogue. Elle sera agrandie en 1876 par l’architecte Beyer selon un plan basilical. « Depuis, plus rien n’a bougé » affirme Jean-Pierre Lambert, président de la Société d’histoire des israélites d’Alsace et de Lorraine. En 1895 est construit l’orgue Metzel à traction mécanique auquel on ajoute un moteur électrique en 1930. En 1922, le peintre benfeldois Achille Metzger réalise au pochoir l’ensemble des fresques en s’inspirant des motifs de la Grande Synagogue de Florence.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’intégralité de l’édifice est préservée grâce à la présence d’esprit du secrétaire de mairie Eugène Guthapfel. Face aux soldats du régime nazi, tandis que des bonnes sœurs cachent les objets de culte trahissant l’identité religieuse du bâtiment, il prétexte avoir besoin du lieu pour de prétendues réunions. À l’extérieur, une plaque gravée le remercie pour son action.
De grands projets à venir
La synagogue est inscrite aux monuments historiques depuis 1984. La population juive est cependant quasi inexistante à Benfeld, ce qui se reflète dans la détérioration progressive de ce lieu de culte quasiment inutilisé. La cause principale ? L’humidité qui a attaqué peintures, bois et plâtres et favorisé l’apparition d’un champignon : la mérule.
Heureusement, la synagogue va bénéficier de travaux estimés à 1,2 million d’euros financés en partie par le récent loto du patrimoine. « Le but serait d’en faire également un lieu d’utilisation générale et de la faire revivre par la culture. En elle-même, elle est un musée », explique Jean-Pierre Lambert qui rappelle que ce qui est sacré dans une synagogue est la Torah et non l’édifice lui-même. Outre des réfections classiques comme l’étanchéité des fenêtres, un nouveau crépi, des plâtres neufs et un chauffage approprié, une petite cuisine et des toilettes seraient envisagées.
« On en est au tout début du projet, mais cette synagogue est aujourd’hui l’objectif prioritaire du Consistoire du Bas-Rhin », assure Jean-Pierre Lambert. Après celle-ci, celle de Reichshoffen devrait faire l’objet de toutes les attentions.