L’extermination de populations en Namibie par l’Allemagne, prélude à la Shoah

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Bien que non qualifié ainsi à l’époque, l’assassinat par les forces d’occupation allemandes de nombreux Namibiens de la tribu des Héréros et des Namas fut entre 1904 et 1908 le premier génocide du XXe siècle. 80 % des Héréros et 50 % des Namas ont, lors de ces quatre années meurtrières, été exterminés dans des camps de concentration comme celui de Shark Island. Justifiée à l’époque par des théories raciales immondes, cette extermination préfigure la Shoah, qui pourtant eut lieu 35 ans plus tard.

La colonisation de la Namibie par l’Allemagne

En 1884, l’histoire européenne de la colonisation prend un nouveau tournant. La conférence de Berlin, organisée à partir du mois de novembre de la même année, a pour ambition d’organiser le partage des terres africaines entre les différentes puissances européennes, parmi lesquelles l’Allemagne, la France, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Italie. Plusieurs pays d’Afrique suscitent en effet les convoitises du fait de leurs richesses, et certaines de ces puissances européennes cherchent à avoir la mainmise dessus. Cette conférence a donc eu pour objectif de pacifier les relations entre ces pays à la suite de nombreuses tensions. A l’époque de la conférence, beaucoup de pays s’étaient déjà établis en Afrique. La France avait par exemple pris possession de l’Algérie, l’Italie de l’Érythrée et le Royaume-Uni de l’Égypte. En 1900, les puissances européennes se partagent 90 % de l’Afrique.

Le génocide des Héréros et des Namas

Vingt ans après le début de leur colonisation, en 1904, les Héréros humiliés, violés et battus sont épuisés de voir leurs meilleures terres spoliées, leurs cheptels décimés et leur activité de transhumance empêchée, décident de se rebeller. Ils tuent une centaine de colons, épargnant toutefois les femmes et les enfants. Face à cette rébellion, le gouvernement allemand décide d’agir et organise ce qu’on peut qualifier de premier génocide du XXe siècle : le massacre des Héréros et des Namas, perpétré sous les ordres du général Lothar von Trotha. Ce génocide vit l’extermination de près de 80 % de la population Héréro, et 50 % de celle des Namas, soit près de 85 000 personnes en tout.

Ce massacre commence par l’encerclement d’une grande partie de la population, qui se fait mitrailler. Les survivants n’ont qu’une seule option : se réfugier dans le désert du Kalahari. Mais ils ne sont pas au bout de leurs peines, puisque von Trotha fait empoisonner les puits et donne aux soldats l’ordre officiel de tuer chaque Héréro qu’ils croisent qu’ils soient hommes, femmes ou enfants. En quelques semaines seulement, des milliers de Héréros meurent de soif, de faim, ou sont abattus. Certains sont faits prisonniers et sont déportés dans des camps de concentration, comme celui de Shark Island, une petite île située au large de Lüderitz.

Rescapés Hereros

Le camp de concentration de Shark Island

Shark Island est une île au paysage désolé, froid et désertique. Elle semble ainsi être le reflet de l’horreur qui s’est déroulée en ces lieux entre 1904 et 1908. En effet, c’est sur cette île qu’ont été assassinés des milliers de Héréros et de Namas. Plus de 3500 prisonniers, auxquels on attribuaient un numéro qu’on leur tatouait, furent déportés dans ce camp de concentration et d’extermination de Shark Island, mais pourtant, seulement 200 en sont revenus. Torture, famine et travaux forcés étaient le quotidien des déportés, notamment chargés de construire le port et de poser une ligne de chemin de fer dans la ville de Lüderitz. L’exploitation et l’extermination de milliers de personnes pour la simple raison qu’elles étaient Héréros ou Namas sont donc à l’origine du développement de cette ville.

Tous les jours, les déportés étaient soumis à des mauvais traitements. Coups de fouet, coups de feu… Leurs tortionnaires ne manquaient pas de ressources pour les punir à chaque fois qu’ils faiblissaient. De nombreuses expériences étaient également menées à vif sur les prisonniers. Le médecin allemand Eugen Fischer injectait la variole et la tuberculose à ses sujets et effectuait des stérilisations forcées. 80 % des prisonniers de ce camp sont donc morts dans ces conditions terribles. Au début « réservé » aux Héréros, 2000 Namas sont par la suite transférés dans ce camp dès 1906. Ce camp préfigure malheureusement ceux de la Shoah, perpétrée par le régime nazi et dans le même objectif : anéantir et exterminer une population tout entière en raison d’une prétendue « infériorité raciale ».