Le lab de Tel Aviv, fer de lance technologique de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi

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L’Usine Digitale a pu entrer pour la première fois dans l’atelier de 1600 mètres carrés inauguré par Renault-Nissan-Mitsubishi à Tel-Aviv en juin dernier. L’occasion de découvrir leurs premiers essais technologiques, leurs prototypes et leurs collaborations avec l’écosystème israélien.

C’est dans la banlieue nord de Tel-Aviv que s’est installé le laboratoire Renault-Nissan-Mitsubishi, dans les étages inférieurs de l’un des immeubles d’un immense parc technologique. Derrière une porte dérobée se succèdent quatre espaces flambant neufs, partagés entre bureaux et ateliers où sont entreposés les prototypes de l’Alliance. Le directeur du laboratoire, Antoine Basseville, nous fait visiter les lieux, naviguant entre modestie et ambition.

« Nous sommes aujourd’hui une dizaine à occuper les locaux, mais nous prévoyons à la fois d’élargir l’équipe et d’héberger des start-up au sein de cet espace, qui a une capacité d’accueil plus grande, glisse-t-il. Sur le plan de l’innovation technologique, nous sommes l’un des sites de l’Alliance les plus ouverts à la collaboration avec l’extérieur, ce qui nous donne une visibilité particulière », ajoute-t-il. Si pour l’heure Alliance Ventures n’a investi financièrement que dans une start-up, Upstream Security, les collaborations sont nombreuses et ouvrent le champs à des transferts technologiques qui seraient déterminants pour l’avenir du constructeur. Tour d’horizon.

Brightway Vision, des capteurs infrarouge pour la vision à distance

Comme souvent en Israël, la technologie de vision nocturne développée par Brightway Vision (BWV) est née d’une grande entreprise de défense non gouvernementale, en l’occurrence Elbit System, actionnaire de BWV. « Le principe, explique Ofer David, le fondateur-président, consiste à illuminer l’environnement à l’aide d’une brève impulsion laser infrarouge, et de prendre des clichés très brefs à mesure que la lumière réfléchie par la scène revient vers le capteur. On découpe ainsi l’image en tranches qui correspondent à des distances. »

Le système permet de repérer n’importe quel objet jusqu’à 250 mètres, et dans n’importe quelle condition atmosphérique, de jour ou de nuit. Pour l’instant, la technologie sert à prévenir les risques, mais à terme elle pourrait aussi devenir utile pour la conduite autonome. En attendant, c’est surtout le rapport coût/efficacité qui a charmé l’Alliance. « Pour les besoins du test de faisabilité, un émetteur dédié a été placé dans le bas du pare choc, en plus d’un capteur dans la voiture. La technologie, qui repose sur un capteur CMOS, devrait être bien moins chère qu’un LIDAR par exemple, mais pourrait s’avérer très efficace, notamment de nuit ou dans des conditions météorologiques difficiles », confirme Antoine Basseville.

IRP Systems, un moteur plus performant

Financé en partie par L’Autorité d’Innovation Israélienne, Renault a initié dès 2017 un partenariat avec IRP dans le développement d’une batterie plus performante, notamment pour les circuits hybrides. Antoine Basseville nous montre le prototype installé sur une Twizy« Ici on a un prototype de moteur environ deux fois plus petit que l’original, avec une efficacité supérieure d’environ 15%. Ce saut est permis par une innovation liée à la commande. Elle permet notamment une accélération vraiment linéaire, ce qui procure plus de plaisir durant la conduite », souligne Antoine Basseville.

La prochaine étape sera de développer cette solution sur des moteurs plus conséquents, comme celui de la Zoé« Nous avons déjà commencé les tests », précise le directeur du laboratoire. En plus de cette technologie, Renault a adapté des panneaux photovoltaïques sur le toit et le capot de la Twizy. Faciles à installer, les panneaux marchent comme des autocollants et permettent de réduire le coût énergétique de la voiture du futur.

Avec Upstream, l’alliance choisit la sécurité

L’Alliance Renault-Nissan se montre très prudente dans ses investissements. Si elle a engagé des partenariats avec plus de 10 start-ups israéliennes, elle n’a pour l’instant investi que dans l’une d’entre elles : Upstream. Aucun chiffre n’a pour l’instant été divulgué. Mais lors de sa dernière levée de fonds atteignant les 30 millions d’euros, Upstream a cité l’Alliance comme l’un de ses contributeurs. La pépite israélienne développe une plate-forme nommée Upstream Security C4 (pour Centralized Connected Car Cybersecurity), destinée à protéger les véhicules connectés eux-mêmes ainsi que les services associés.

Via une interface, les constructeurs automobiles et les gestionnaires de flottes peuvent détecter les cybermenaces en temps réel et répondre aux attaques ciblant n’importe quelle partie du châssis des véhicules connectés, assure Upstream Security. Dans son rapport d’avril 2019, l’entreprise israélienne détaille les événements constatés : 47% des incidents auraient été des tentatives d’intrusion à distance, 18% des attaques de serveurs liés aux véhicules et caractérisées par du rançonnage, et 8% des attaques directes sur des véhicules. Upstream Security cherche à pour créer un parapluie virtuel de protection des véhicules contre toutes ces intrusions.

Moodify, la solution qui sent bon

Il y a des idées qui surprennent. Moodify est l’une d’elle. Cette nouvelle start-up veut remplacer les désodorisants pour voiture par un gadget qui peut non seulement combattre les mauvaises odeurs, mais aussi garder les conducteurs alertes, et même réduire le stress et l’agressivité. « Nous avons testé les premiers échantillons et le résultat est bluffant », constate Antoine Basseville. Moodify a un accord de licence exclusif avec l’Institut Weizmann pour commercialiser les recherches olfactives de l’université israélienne, afin de produire en masse une variété de produits « à parfum actif ».

Le premier produit de la société, Moodify White, élimine la perception des mauvaises odeurs en affectant temporairement la façon dont le cerveau les interprète. Un second produit, Moodify Red, a pour objectif de réveiller le conducteur et donc d’empêcher un accident. L’odeur, cette fois-ci, n’est pas neutre et peut même être assez désagréable. Si la solution a été expertisée par le lab, Antoine Basseville travaille encore sur la façon de l’exploiter : le client serait-il prêt à être réveillé brutalement ou préférerait-il appuyer lui-même sur un bouton ? Quid du conducteur qui ne serait pas seul, et aurait par exemple des enfants dormant dans sa voiture?

Une vision à long terme

Le laboratoire Renault-Nissan-Mitsubishi de Tel-Aviv a des objectifs sur le long terme. Des innovations concrètes pourraient voir le jour au bout de cinq ans minimum, même si certaines solutions, notamment logicielles, pourraient être importées plus rapidement. L’essentiel, pour l’heure, est de s’être fait une place dans l’écosystème israélien et d’avoir commencé à travailler avec plusieurs start-up triées sur le volet. Antoine Basseville ne cache pas qu’il existe des difficultés, liées notamment à la confrontation de deux cultures.

Les Israéliens sont souvent pressés et « rentre dedans », au contraire des Français, un peu « old school »… Le directeur du laboratoire se fait moins loquace sur la compétition qui fait rage en Israël autour des différents constructeurs qui, comme BMWMercedes ou Chrysler, se sont attachés les services des perles de la technologie israélienne. L’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi n’a pas enclenché les mêmes moyens financiers, mais elle est désormais bien positionnée pour tirer son épingle du jeu.