Complotisme et déni : les deux faces d’un même aveuglement face à la menace terroriste

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Il ne faudrait pas oublier que, derrière les attentats actuels, il y a toujours une idéologie qui exprime sa volonté de vaincre. Ni sous-évaluer sa capacité à semer la terreur.

Il existe deux manières de se voiler la face à propos de la menace terroriste. La première consiste à nier tout lien de ces attentats avec l’idéologie islamiste en invoquant un complot (de l’Etat, des services secrets israéliens, etc.). La seconde consiste à nier tout lien de ces attentats avec l’idéologie islamiste en invoquant le désordre mental des attaquants – ne seraient terroristes que ceux capables de se faire sauter avec une bombe autour du corps « en pleine conscience ».

Ces deux réactions présentent l’avantage de placer ceux qui les émettent du côté de la supériorité intellectuelle. C’est au nom de leur plus grande lucidité qu’ils éprouvent tant de difficulté à débattre de leurs convictions. On peut cependant essayer d’en déterminer les origines.

Donner un sens à l’insupportable

Aux sources du complotisme, on trouvera l’addiction de la société moderne au divertissement : les séries modernes, dont les scénarios reposent sur la révélation de la raison cachée des événements, apaisent nos angoisses existentielles en donnant un sens à l’insupportable. Mais, dans un étrange basculement de la fiction au réel, ce qui aurait dû rester une distraction s’est transformé en croyance. On ne s’étonnera donc pas de trouver nombre d’acteurs du côté des thèses complotistes : c’est leur métier de croire – et de rendre crédibles – les hypothèses les plus folles. Ils sont le symptôme d’un mal répandu : la religion Netflix.

Aux sources du déni, on trouvera une incapacité à articuler une réalité complexe. Qu’il est délicat, en effet, de tracer la frontière entre islam et islamisme, entre vigilance et stigmatisation, entre prévention et racisme ! Par peur de basculer du mauvais côté de la morale, certains préfèrent abandonner, espérant secrètement que le prochain attentat tombera loin d’eux. Ce sont les mêmes qui vous assènent que l’on meurt beaucoup moins en France d’un attentat que d’un accident de la route. Manière de démontrer, à leurs yeux, qu’on surévalue grandement la menace terroriste.

En ce jour où la France « célèbre » les disparus de « Charlie » et de l’Hyper Cacher, le moment est peut-être venu de s’arrêter un instant et de s’interroger sur notre indifférence face aux morts de l’année 2019. Ce double aveuglement n’est-il pas le signe que la terreur islamiste a gagné les esprits ? Depuis l’extinction des idéologies qui les légitimaient, on n’a plus vu, en France, de meurtres de grands patrons ou d’attentats au Pays basque. Il ne faudrait pas oublier que, derrière les attentats actuels, il y a toujours une idéologie qui exprime sa volonté de vaincre. Ni sous-évaluer sa capacité à semer la terreur.