Ladj Ly/Polanski: deux poids deux mesures

Abonnez-vous à la newsletter

On n’entend guère les néoféministes censeurs de Polanski condamner le passé de Ladj Ly, condamné pour des faits qui n’ont qu’une dizaine d’années.

Ne m’étant pas du tout intéressé à la sortie du film Les Misérables, j’ignorais à peu près tout tant du contenu du film que de la personnalité de son auteur et des conditions de sa réalisation. J’avais juste noté les spasmes d’admiration de la « gauche culturelle » et la communication infantile du président de la république sortant de la projection. Rien de nature à ébranler mon indifférence. Certes le tombereau d’injures déversées par le réalisateur sur Eric Zemmour et Zineb El Rhazoui m’est tombé sous les yeux, mais à ce moment-là dans la petite France des belles âmes, ce n’était à leur sujet que les habituelles surenchères et appels à la censure. Je ne peux non plus rien dire sur le film, ne l’ayant pas vu, mais ayant entendu beaucoup de mes amis en louer les qualités.

Un « héros » très discret

Et puis voilà que la routine des appels au boycott et des pétitions incendiaires contre Roman Polanski fut soudain troublée par le rappel d’un passé délinquant assez corsé du nouveau héros de la diversité. Avant de revenir sur le fond, on se permettra d’ironiser un peu sur la façon dont cela s’est passé. Un petit article publié dans Causeur et repris par Valeurs actuelles qui raconte une drôle d’histoire. Il y a une dizaine d’années Ladj Ly aurait participé à une équipée sauvage en mode « crime d’honneur pour fornication » au cours de laquelle un homme aurait été enlevé, séquestré, enfermé dans le coffre d’une voiture puis arrosé d’essence et n’aurait dû son salut qu’à la fuite. L’histoire semble simple, un homme marié aurait osé avoir une relation consentie avec la sœur majeure du chef du commando. Après avoir corrigé sa sœur, le charmant garçon aurait pensé indispensable de donner une leçon, disons cuisante, à l’auteur de cette humiliation. Le lecteur notera l’utilisation du conditionnel car cette présentation est le fruit de la consultation de la presse, et des quelques éléments dont on peut disposer aujourd’hui. Il est donc impossible de garantir la véracité de cette description dans tous ses détails. À la suite de cette équipée, les trois protagonistes ont fait l’objet d’une procédure judiciaire ayant abouti à des condamnations du tribunal correctionnel de Bobigny. Il est clair que cette histoire était de nature à bigrement écorner l’image du nouveau héros des « quartiers ».

Du déni à l’hypocrisie

La première réaction de ceux qui gardaient un souvenir douloureux de l’affaire Meklat, fut de nier les faits (!), crier au complot d’extrême droite et à la fake news. Il leur fallut battre rapidement en retraite devant l’évidence et la réalité de cette condamnation. Alors les belles âmes sont lancées dans une triple stratégieminimiser les faits, disqualifier l’information puisque donnée par des médias quasiment nazis, et enfin annoncer à grand son de trompe par le principal concerné le dépôt d’une plainte pour diffamation et « diffamation raciale ». Tout ceci a créé un joli bazar, une bataille homérique autour de la notice Wikipédia du réalisateur, et un incendie géant dont médias et réseaux raffolent. Et où la bien-pensance bat tous les records de gêne et d’hypocrisie.

La confusion juridique s’est immédiatement installée, et il serait peut-être opportun d’essayer de remettre autant que faire se peut, un peu d’ordre. On prendra évidemment la précaution initiale de rappeler que sans lecture du dossier et des décisions intervenues, tout ceci est sujet à révision ou à confirmation. Donc une fois de plus utilisation du conditionnel.

Complicité de séquestration

La victime aurait donc, programme très réjouissant pour elle, été enlevée, séquestrée, enfermée dans le coffre d’une voiture, battue à plusieurs reprises, et arrosée d’essence. Elle aurait alors réussi à s’enfuir et se mettre à l’abri. Les auteurs du forfait ont été arrêtés et une information judiciaire criminelle a été ouverte. En effet, dans un premier temps l’auteur principal et ses complices dont Ladj Ly ont été mis en examen pour tentative de meurtre. Qualification normale puisqu’il était logique de penser que d’utilisation de l’essence était destinée à brûler vif le fornicateur. L’information n’a semble-t-il pas permis d’établir l’intention homicide, et le juge a prononcé le renvoi non pas en Cour d’assises mais devant le tribunal correctionnel des protagonistes en retenant les qualifications de séquestration et de complicité de séquestration. Une observation à ce stade la complicité, retenue contre Ladj Ly, consiste en une aide à la commission de l’infraction par fourniture de moyens. Les peines encourues sont les mêmes que celles de l’auteur principal. Dire comme l’ont fait ses conseils qu’il n’avait pas commis « personnellement de violences », c’est un peu se moquer du monde. Le tribunal de grande instance de Bobigny aurait ensuite statué au-delà des réquisitions du parquet et condamné l’auteur principal à 5 ans de prison ferme et ses complices à 3 ans de la même peine avec arrestation à l’audience. La cour d’appel aurait diminué ces quantums et ramené celle de Ladj Ly à deux ans dont un ferme.

Un sermonneur impénitent

Compte tenu de ce que l’on sait des faits, on peut dire que les amateurs de vendetta familiale contre le « crime de fornication » ne s’en sont pas trop mal tirés. Tant mieux pour eux. Ils ont désormais payé leur dette et Ladj Ly ne serait pas le premier à être sorti de l’ornière pour ensuite réussir dans la voie artistique. On se permettra simplement d’ajouter qu’il serait opportun qu’il évite de passer son temps à donner des cours de morale et à injurier grossièrement les gens qui ne sont pas d’accord avec lui. Une certaine modestie n’a jamais fait de mal à personne, et là manifestement elle s’impose.

En revanche et parce qu’on a mauvais esprit, on s’autorisera quand même une certaine joie mauvaise en pensant à la gêne des belles âmes néoféministes qui mènent un combat acharnée contre Roman Polanski à base d’appel à la répression et à la censure. Pour celui-ci, les seuls faits avérés, qui sont incontestablement de viol, se sont déroulés il y a quarante ans. Ils ont fait l’objet d’une décision judiciaire avec l’abandon des poursuites, et la victime demande instamment qu’on foute la paix aux cinéastes et à elle-même. Cela n’a pas désarmé les excitées qui, à qui on demande comme pour Céline de séparer l’œuvre de l’artiste, répondent : « oui mais à la hache », ou scandent : «Le kérosène, c’est pas pour les avions, c’est pour brûler violeurs et assassins ». Les mêmes excitées qui exigent que « J’accuse » ne figure pas sur la liste des films qui concourent aux Césars.

Celui de Ladj Ly est présenté par la France à la compétition des Oscars. Cette fois-ci le réalisateur a commis il y a 10 ans des faits relevant du paroxysme de l’anti-féminisme : complicité de crime d’honneur pour fornication.

Alors les ami.ie.is.ies, des manifestations devant les cinémas qui projettent Les Misérables ? Une petite pétition contre sa présence en compétition aux Oscars ? Comment dites-vous ? Ce n’est pas pareil ? Ah bon.

Régis de Castelnau

Source causeur