Zahra, 19 ans, martyre de la contestation en Irak

Abonnez-vous à la newsletter

La jeune fille, qui soutenait les opposants au régime qui manifestent place Tahrir, a été retrouvée sauvagement assassinée. Son père s’est confié à «Libération».

Depuis une semaine, son visage de poupée maquillé en chaton, avec de grands yeux vert d’eau, s’affiche en photo de profil d’un nombre croissant de jeunes contestataires irakiens, sur les réseaux sociaux. Zahra Ali Salman, 19 ans, enlevée le 2 décembre par des inconnus à Bagdad, a été retrouvée le lendemain sauvagement assassinée. La jeune étudiante de langue arabe à la faculté des lettres de Bagdad s’occupait, avec son père, de préparer des plats cuisinés pour les porter tous les jours aux manifestants qui occupent depuis le 25 octobre la place Tahrir, épicentre de la contestation dans la capitale irakienne.


«Nous allions ensemble apporter cette aide aux jeunes sur la place. C’était une contribution, sur nos deniers personnels, pour soutenir la révolte», raconte à Libération Ali Salman, le père éploré. C’est lui qui a retrouvé le corps sans vie de sa fille, dix heures après sa disparition à quelques pas de la maison familiale, dans le quartier populaire d’Al-Amana à Bagdad. Zahra, l’aînée de ses trois filles, était sortie dans la matinée pour faire des courses. «Elle devait acheter des petits pois pour le plat du jour qu’on avait prévu», raconte le père. Boucher, il se procurait la viande à prix raisonnable.

«Milices sectaires»

Le corps de Zahra a été jeté non loin de la maison familiale, atrocement défiguré«A l’hôpital où on l’a transportée, le médecin légiste a établi qu’elle avait subi des décharges électriques et reçu des coups avec des objets métalliques qui lui ont brisé les os», poursuit Ali Salman. Terrorisé, le pauvre homme tient à préciser que ni lui ni personne de sa famille n’avait une appartenance politique. Faisant valoir son souci de discrétion, il explique que «Zahra se dissimulait quand elle se rendait sur la place et on évitait de se faire photographier ou filmer. Je ne lui avais pas permis d’ouvrir une page Facebook et elle était obéissante».


Il préfère aujourd’hui accuser une mystérieuse «tierce partie» de l’enlèvement et de l’assassinat de sa fille, précisant qu’il n’avait reçu aucune menace avant «l’acte barbare», comme l’a qualifié le Comité organisateur des manifestations de la révolution. Dans un communiqué, celui-ci a accusé les «milices sectaires» du meurtre de la jeune fille, faisant porter la responsabilité au gouvernement et aux services de sécurité du pays, qui soutiennent ces milices.

Zahra Ali Salman est l’une des premières femmes tuées depuis le début de la contestation qui a fait plus 430 morts depuis début octobre en Irak. Deux jours avant sa mort, une jeune secouriste était tombée sous les tirs des forces de l’ordre à Nasiryah, dans le sud du pays. La participation inédite des femmes irakiennes au mouvement de protestation est un sujet de fierté pour les manifestants et d’irritation pour les partis politiques et les milices communautaires proches du pouvoir. «Beaucoup de filles vont à Tahrir à l’insu de leurs parents», indique Dhikra Sansal, directrice adjointe de l’ONG Burj Babel for Media Development.

«Les enlèvements de jeunes femmes constituent un sujet très sensible dans la société irakienne conservatrice», ajoute la militante en évoquant l’exemple de Saba Mahdawi. Médecin secouriste de 35 ans, elle a été la première femme enlevée place Tahrir le 2 novembre et sa disparition avait fait grand bruit. Son portrait avait été affiché tout autour de la place avec la question «Où est Saba ?»  qui se pose à chaque disparition. L’indignation sur son sort avait dépassé des frontières de l’Irak et Amnesty International s’était inquiété de son enlèvement. Elle avait finalement été libérée dix jours plus tard, saine et sauve.

«Fier d’elle !»

Une autre jeune militante, Mari Mohamd, qui avait posté une vidéo sur les réseaux sociaux annonçant ironiquement qu’elle finançait elle-même la contestation, en réponse aux accusations de complot de l’étranger diffusées contre elle par les autorités irakiennes, a quant à elle disparu pendant plus d’une semaine mi–novembre. Une fois libérée, elle a déclaré aux médias qu’elle renonçait à toute participation au mouvement. «C’est précisément le but recherché par le pouvoir, signale Dhikra Sansal. Ces enlèvements et arrestations de femmes visent à décourager toutes les autres de participer à la contestation.» Le sort tragique subi par Zahra Ali Salman constitue assurément une dissuasion pour bien d’autres jeunes filles.

Les jeunes contestataires de la place Tahrir, nourris par la famille d’Ali Salman, entourent le père de leur solidarité et leur douleur depuis la mort de son aînée. «Ils m’ont rendu fier d’elle ! dit-il pour se consoler. Elle s’est sacrifiée pour l’Irak. Notre pays chéri pour lequel nous voulons vivre et sommes prêts à mourir.» 
Article à lire et à méditer par toutes les femmes qui jugent les violences faites aux femmes et les condamnent ou pas en 2 poids, 2 mesures….. Pas sur que les souffrances des femmes irakiennes ait le même poids que les sketchs pallywoodiens d’Ahed Tamini.

1 Comment

Les commentaires sont fermés.