Israël : génération « Bibi »

Abonnez-vous à la newsletter

Toute une génération de jeunes Israéliens n’a connu que Benyamin Netanyahou à la tête du pays. Voteront-ils pour autant pour Bibi le 17 septembre ?

En Israël, on les appelle les « Bibi boomers ». Ils ont entre 18 et 22 ans. Du plus loin qu’ils s’en souviennent, ils n’ont connu personne à la tête du gouvernement que Benyamin Netanyahou. Qu’ils soient du nord ou du sud du pays, de la région de Tel-Aviv, juifs ou arabes, pratiquants ou non, c’est peut-être la seule chose qu’ils aient en commun. Une mémoire collective, où les Premiers ministres d’avant comme Ariel Sharon ou Yitzhak Shamir, pour ne pas parler d’Yitzhak Rabin, c’est de l’histoire ancienne, celle du XXe siècle. Presque de la préhistoire. Pas étonnant donc qu’ils aient du mal à s’imaginer une autre personnalité à la tête du gouvernement.

Alors les uns, comme Yigal, 19 ans, préfèrent croire en un « Bibi, encore là pour de nombreuses années », alors que Mikhael, 21 ans, fervent supporteur du Likoud, veut croire que le jour où cela arrivera, « la société israélienne saura gérer. Vous savez, même pour l’homme politique le plus doué, le temps de mandat est limité. Le départ de Netanyahou, à un certain moment, est inévitable. Prenez Ben Gourion, les gens, ici, ne croyaient pas qu’ils pourraient vivre sans lui. Et pourtant, après son départ, ils ont fait avec. »

On les décrit souvent comme une génération que rien n’intéresse ; toute la journée sur Instagram (le réseau social préféré de la jeunesse israélienne, devant Facebook et Twitter). Alors, une génération désabusée, voire dégoûtée par la politique, plus intéressée par les selfies et autres vidéos qui font le buzz ? « Les choses sont plus compliquées », explique Vera, une jeune étudiante de la région de Jérusalem. « Oui, c’est vrai. Nous sommes moins militants que nos aînés, moins contrôlés par les partis. Mais cela ne veut pas dire que le débat politique ne nous intéresse pas. Simplement, nous développons nos propres idées. Nous n’avons pas besoin d’un collectif partisan qui nous dise quoi penser ou pour qui voter. Nous sommes indépendants. Il n’y a rien de mal là-dedans. Au contraire, pour moi, c’est très positif ! »

Les mêmes aspirations, l’idéologie en moins

À 21 ans, Maya est vendeuse dans un magasin bio. Il faut bien payer ses études à l’université. Toujours est-il qu’elle n’aime pas la façon dont on juge sa génération : « C’est du dénigrement. C’est vrai qu’il y a des jeunes qui ne croient plus à rien. Qui ont voté lors du dernier scrutin “Zeout” (la formation dirigée par Feiglin qui ne se représente pas) uniquement en raison de son soutien à la légalisation du cannabis. Mais beaucoup d’entre nous sont investis dans le social, dans les mouvements associatifs où ils font du bénévolat. Le problème, c’est que les hommes politiques ne connaissent rien de nos préoccupations. Alors, ils préfèrent parler d’une jeunesse Instagram. C’est plus simple ! »

Et si, comme le font les médias, vous les interrogez sur leurs espoirs, leurs rêves, les réponses vont du plus politique au social : « Je veux une révolution avec la gauche qui gagne ! » ; « Que le Likoud de Bibi l’emporte ! » ; « Qu’il y ait enfin la séparation entre la religion et l’État » ; « Égalité des chances et fraternité entre tous » ; « Plus de tolérance et une société plus ouverte » ; « Lutte contre les violences faites aux femmes » ; « Plus de respect des individus ».

Au fond, des aspirations assez semblables à celles de leurs parents, l’idéologie en moins. Cela veut-il dire les mêmes votes dans les urnes ? « Oui », répondent certains, pour qui « faire des choix différents serait trahir la famille ou le collectif ». Comme pour Moshe, un jeune ultra-orthodoxe du sud du pays : « Vous savez, chez nous, nous pensons collectif : comment on s’habille, où on prie et pour qui on vote. » En revanche d’autres revendiquent plus d’autonomie, comme Bian, une jeune femme de 19 ans, qui habite la ville de Shfaram en Galilée, dans le secteur arabe. Pour elle, les choses changent. Les jeunes ne votent plus comme leurs parents. « Moi, par exemple, j’ai d’autres opinions politiques que mon père ou ma mère. Cela n’a pas l’air de les déranger. »