Henri Belolo, juif marocain, producteur des Village People et de Gala est mort

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On doit des dizaines de tubes à Henri Belolo, initiateur du groupe Village People. Il est décédé ce lundi à l’âge de 82 ans.

Une machine à tubes. Son nom ne vous dit sans doute rien, mais Henri Belolo a façonné à lui seul une partie de la bande-son disco et house du monde entier. Le producteur français s’est éteint ce lundi à l’âge de 82 ans.

Les amoureux de la musique disco des années 70 se souviennent probablement du célèbre groupe exclusivement masculin, les «Village People», mais probablement pas de l’origine juive marocaine des deux co-fondateurs. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Jacques Morali, auteur-compositeur et Henri Belolo, producteur de musique, nés tous deux à Casablanca au Maroc, ont co-fondé le groupe révolutionnaire ayant marqué la scène musicale avec le fameux titre «Y.M.C.A». Les deux jeunes franco-marocains s’étaient rencontrés au début des années soixante-dix et ont eu l’idée de faire du disco un genre musical dominant.

Henri Belolo, né en novembre 1936, va écrire les premiers chapitres de la musique disco aux Etats-Unis. Il a débuté sa carrière en tant que producteur de musique et est entré dans l’industrie musicale dans les années 60. Dans une interview publiée par Disco-Disco, un site-web qui rend hommage aux pionniers du disco, Henri Belolo a déclaré que lorsqu’il «vivait au Maroc dans son enfance, les Américains sont venus à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont établi une base américaine et avaient leur propre radio».

Henri Belolo, et l’industrie de la musique

L’amour de Belolo pour la musique ne s’est pas arrêté là. En déménageant en France pour poursuivre ses études supérieures, une opportunité s’est présentée au jeune homme. «J’ai terminé mes études et quand j’étais à Paris, j’ai rencontré Eddie Barclay. Il dirigeait une très grande compagnie, Barclay Records, qu’il avait vendue pour devenir Polygram», a déclaré Henri Belolo en ajoutant que l’homme «lui a demandé de le représenter au Maroc».

Dans les années soixante, le jeune homme retourne au Maroc en tant que représentant de Barclay Records, Atlantic et d’autres artistes et musiciens. À la fin des années 60, il décide de retourner à Paris où sa carrière prend un tour différent. «J’ai commencé à travailler avec Polydor Records. J’ai presque tout fait là-bas et en cinq ans, j’ai fini par être l’un des plus jeunes présidents d’une grande entreprise. C’était vers la fin de 1970», a déclaré Belolo à la même source.

Au début des années 70, Henri Belolo décide de quitter son emploi pour se lancer à son propre compte. Il fonde ainsi sa propre maison de disques qu’il appelle «Carabine Music» qui «traitait principalement du répertoire français, des catalogues anciens, du jazz et du classique», explique-t-il.

Cependant, tout a changé quand Henri a traversé l’Atlantique pour se rendre aux Etats-Unis en 1973. Il a visité New York, Philadelphie et a eu la chance de fréquenter la plupart des boîtes de nuit à la mode dans le pays. C’était un nouveau chapitre pour son entreprise et aussi pour l’industrie musicale internationale. En 1975, Belolo rencontre Jacques Morali, autre juif de Casablanca, qui travaillait comme jeune compositeur dans le temps.

La rencontre avec Jacques Morali

Dans la même interview Belolo se remémore cette première rencontre avec Jacques Morali : «Il est venu à mon bureau pour m’offrir ses services. Il était très enthousiaste et avait toujours rêvé d’aller en Amérique. Je lui ai dit : Jacques, quand tu as une idée, tu reviens me voir et je t’emmène en Amérique.»

Alors, Morali est revenu au début de 1975 voir Henri Belolo, mais pas les mains vides cette fois. D’après le récit de Belolo, le jeune juif marocain eut l’idée géniale de travailler sur une chanson brésilienne appelée «Brazil» d’une comédie musicale chantée par Carmen Miranda, et l’enregistre pour l’usage des boîtes de nuit.

L’idée a été bien reçue par Belolo qui a emmené Morali aux États-Unis pour réaliser son rêve. «J’ai emmené Jacques Morali avec moi et nous nous sommes envolés directement pour Philadelphie et au studio « Sigma Sound ». Là, j’ai appelé tous mes amis et je leur ai parlé de l’idée et dans les deux semaines j’ai réalisé un casting», a déclaré Belolo.


C’était le début de leur renommée en Amérique. Les deux amis ont fondé la «Richie Family», un groupe vocal américain qui a enchaîné les succès à l’époque disco. Leur premier succès fut «Brazil» qui a conquis les discothèques en 1975. La chanson, première à figurer parmi les 5 meilleurs hits du Billboard des discothèques, était interprétée par trois filles afro-américaines, du nom de Cheryl Jacks, Cassandra Wooten et Gwendolyn Oliver.


Après le grand succès des deux compères avec la famille Richie, ils ont décidé de partir pour New York, où une nouvelle idée a émergé. «Jacques et moi sommes devenus auteurs-compositeurs (…) nous nous rendions tous les soirs dans tous les clubs y compris les clubs gays», se souvient Belolo.

«Je parlais à la communauté gay de ce qu’ils aimaient et de leur style de vie, de ce qu’ils voulaient écouter musicalement et quel était leur rêve, leur fantaisie.»

La période Village People

C’est à ce moment que les deux producteurs et auteurs-compositeurs s’essaient à autre chose afin de représenter la communauté gay de New York qui souhaite ne plus cacher leur sexualité. Belolo a indiqué dans la même interview que «c’est ainsi que nous sommes venus avec cette idée de constituer un groupe de cinq mâles où chacun a son propre caractère. Et nous l’avons nommé Village People, parce que nous avons découvert ces personnages dans The Village.»

The Village, un quartier situé à l’ouest du quartier Manhattan à New York, était un lieu emblématique pour la communauté gay dans les années 70 et le groupe Village People lui a apporté un nouveau sens. Le groupe de disco connu pour les costumes portés par ses membres présentait des stéréotypes culturels masculins américains visant le public gay.

Après avoir recruté les membres du groupe Village People, composé de Felipe Rose (habillé en Amérindien), Alex Briley (soldat), Mark Mussler (ouvrier du bâtiment), Lee Mouton (leatherman), Victor Willis (policier) et Dave Forrest (cowboy), ils ont sorti leurs premiers hits.

Y.M.C.A


Ce nouveau groupe a permis à Henri Belolo ainsi qu’à Jacques Morali de rentrer dans la cour des grands dans l’industrie musicale aux États-Unis avec des chansons comme «Macho Man», «In the Navy» et leur plus grand succès, «Y.M.C.A.».

Ce dernier est devenu un hymne et une chanson de référence pour la communauté gay dans les années 70. Sorti en 1978, Y.M.C.A est devenu le numéro 2 dans les classements américains en 1979 et s’est hissé à la première place au Royaume-Uni. La chanson est considérée comme le plus grand succès du groupe avec des ventes mondiales estimées à près de 10 millions d’exemplaires.

Toutefois, malgré leur succès fulgurant, les deux amis marocains se sont séparés dans les années 1980 quand l’ère du disco avait pris fin. «En 84 et 85, cette horrible chose appelée sida a commencé à montrer son visage et Jacques en avait peur. Il a donc décidé de retourner à Paris, en France. Alors, je suis retourné avec lui et nous avons cessé de produire en Amérique», a déclaré Belolo.  Quelques années plus tard, en 1991, Jacques Morali succombait à sa maladie.

Puis des classiques de la house mais pas que

Un peu plus tard, Belolo démocratisera également la house music en France, à travers son label Scorpio Music. Eiffel 65 (« Blue Da Ba Dee »), Gala (« Freed from desire »), Haddaway ( « What is love » )… Des morceaux rentrés dans la culture populaire, voire même dans l’histoire, à l’image de « I Will Survive » dans sa version interprétée par le Hermes House Band, qui ravive à chaque écoute les souvenirs du Mondial 1998 en France .


Sources yabiladi et leparisien