L’Alsace et la Lorraine n’en peuvent plus des néo-nazis allemands

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Un hangar à Lengelsheim en Moselle où ont eu lieu des concerts néo-nazis il y a deux ans © Radio France - Olivier Vogel
L’extrême-droite allemande, notamment sa frange néo-nazie, a pour habitude de franchir la frontière avec la France pour y organiser des concerts. Ces crânes rasés et autres nostalgiques du IIIe Reich sont ici moins surveillés. La législation leur est en outre plus favorable. Reportage en Moselle.

Des bus en provenance d’Allemagne, des voitures immatriculées en Alsace ou bien plus loin. Plusieurs villages frontaliers, en Moselle notamment, ont vécu ces petites invasions du samedi soir avec l’irruption massive de plusieurs centaines d’individus, crânes rasés et tatouages de guerre. Ils se retrouvent dans des salles louées pour des soirées privées, généralement sous couvert d’anniversaires, des endroits où se produisent des groupes de la scène RAC, rock against communism, une mouvance skinhead néo-nazie.

Les maires démunis

L’ancien maire du village mosellan de Lengelsheim, 200 habitants, se souvient de cette arrivée massive de crânes rasés, deux week-end de suite en février 2017. La première fois près de 400 skinheads sont arrivés sur place. « Qu’est ce qu’ils viennent foutre chez nous ?« , s’indigne aujourd’hui encore Ernest Leichtnam, « ils n’ont qu’à aller faire leur tapage chez eux et nous foutre la paix ».

Le maire actuel, Michel Behr, est encore très remonté car il s’est senti seul avec son adjoint pour gérer la situation. L’élu est allé discuter avec l’organisateur, une figure du NPD, le parti ultranationaliste allemand dont les idées flirtent avec le néo-nazisme. « Il m’a dit ‘c’est une soirée d’anniversaire’. Je me suis présenté en tant que maire de la commune et il m’a dit ‘ici on est tous des maires’« .

Michel Behr parle aussi des tee-shirts « 1933 » et des croix celtiques. Il a même entendu des « heil ». Mais pour la préfecture de la Moselle, alertée par le maire, cette soirée qui s’inscrivait dans un cadre strictement privé n’a pas provoqué de trouble à l’ordre public. Affaire classée.

Une stèle à la mémoire d’une division SS

Dans le même secteur, sur les hauteurs de Volmunster, les néo-nazis de la mouvance Hammerskin, une organisation skinhead internationale, sont propriétaires d’un terrain avec une cabane qui sert à des rassemblements et à des concerts. En janvier 2018 un promeneur avait alerté les gendarmes après avoir découvert devant le terrain une stèle à la gloire d’une division SS, la 17e division SS Panzergrenadier. Cette division est connue pour avoir massacré 124 personnes, dont 50 enfants, le 25 août 1944 à Maillé en Indre-et-Loire. Les gendarmes ont saisi le monument, une instruction est toujours en cours pour apologie de crimes contre l’humanité.

Les habitants du Pays de Bitche se souviennent aussi d’un autre rassemblement en plein air, sur les hauteurs de Walschbronn en 2014 sur un terrain qui appartenait à un riche pharmacien allemand de Zweibrücken. Cet homme, aujourd’hui décédé, a été vu et entendu par les habitants du village en train de faire un discours devant plusieurs centaines de jeunes, dont des adolescents, proches des mouvances néo-nazies.

Les néo-nazis allemands moins surveillés en France

« Si les néo-nazis allemands viennent aussi souvent organiser leurs soirées, côté français, c’est lié aux poursuites pénales dont ils sont l’objet en Allemagne » explique le politologue Uwe Albrecht, membre du réseau contre l’extrémisme de droite en pays de Sarre, basé à Saarbrücken.

« En France, explique Uwe Albrecht, ils ne sont plus sous le périmètre de surveillance de la police allemande. Il y a aussi en Allemagne des choses qui tombent sous le coup de la loi et pour lesquelles la situation juridique est différente en France. Faire le salut hitlérien, c’est un délit en Allemagne et si ça se passe pendant un concert, il peut-être interrompu ».

Revoir la législation au niveau européen

Pour combattre le phénomène, le maire de Lengelsheim plaide pour une solution européenne« Il est peut-être temps d’agir avant qu’il n’arrive un drame » s’inquiète Michel Behr.

En attendant, les concerts néo-nazis se poursuivent. Le 20 avril dernier, une centaine de néo-nazis se sont retrouvés à Sexey-aux-Forges près de Nancy pour « fêter les 130 ans de notre papy préféré », comme indiqué sur leur invitation Facebook. Le 20 avril, date de naissance d’Adolf Hitler.

Source Francebleu