Incendie de Notre-Dame : et une fois encore, des complotistes s’égarent

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Un élu de Neuilly, certains Gilets jaunes et des activistes de l’extrême droite américaine ont remis en doute la piste accidentelle, privilégiée pour expliquer les causes de l’incendie qui a dévasté la cathédrale.

Comme à chaque événement tragique, ils ne veulent pas croire à la version officielle, ni même à l’explication la plus probable. À peine l’incendie de Notre-Dame de Paris avait-il débuté, lundi soir, que certains militants politiques mettaient en doute la piste accidentelle. Cette dernière est pourtant « privilégiée » par les enquêteurs et par le procureur de Paris, et aucun élément factuel ne permettait de la contredire.

Et si l’émotion provoquée par l’incendie a passé les frontières, au vu des unes de la presse mondiale et des réactions des chefs d’État étrangers, c’est malheureusement le cas aussi de ces thèses complotistes.

Un élu de Neuilly fustige le « politiquement correct »

Il a immédiatement été rabroué par l’animateur de Fox News. « Le politiquement correct va vouloir nous faire croire que c’est un accident », s’est avancé lundi soir Philippe Karsenty, élu d’opposition à Neuilly, interrogé par la chaîne d’info américaine. « Même si personne n’est mort, c’est un peu le 11 Septembre français », a-t-il osé dans un parallèle laissant entendre qu’il songeait à une cause terroriste.

« Monsieur, Monsieur, Monsieur. Nous n’allons pas spéculer ici sur les causes que nous ne connaissons pas », l’a tout de suite coupé le journaliste et animateur de Fox News, Shepard Smith. Pas suffisant pour arrêter Philippe Karsenty : sur Twitter, il a relayé son passage sur Fox News, l’accompagnant du message « Truth will come out » (« la vérité sortira »).

Ce mardi matin, le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a estimé de son côté que « après l’émotion, il faut l’explication. Il faut savoir si c’est un accident ou si c’est un attentat ».

« Dans tous les pays, on privilégie D’ABORD la piste criminelle. Ça n’est qu’une fois épuisées toutes les recherches en ce sens qu’on conclut à l’accident. Pour l’#IncendieNotreDameDeParis, on privilégie d’abord l’accident. Pourquoi ? » s’est aussi interrogé sur Twitter ce mardi après-midi Jean Messiha, membre du bureau national du Rassemblement national.

Des sites américains pointent le terrorisme islamique

Sur sa webtélé Infowars, le polémiste américain Alex Jones, très populaire auprès de l’extrême droite et des complotistes, a posé une question volontairement provocatrice : « L’incendie de Notre-Dame de Paris est-il un signal de l’emprise du terrorisme islamique en France ? » Et d’asséner, pendant cinq minutes, ses arguments en faveur du « oui ».

S’il semble avéré que des djihadistes ont publié sur leurs réseaux sociaux des messages se réjouissant de l’incendie, comme l’a pointé le site d’analyse spécialisé Site, d’autres polémistes de l’Alt-right (extrême droite) américaine en ont conclu sans la moindre nuance que « les musulmans se réjouissent ». Comme la blogueuse Pamela Gerrer, dont le site a pour slogan « la vérité doit être dite ».

Pour tenter de convaincre leur public de la piste terroriste, ces activistes s’appuient sur un tweet (supprimé depuis) de l’élu du Tennessee Christopher Hale, à qui un « ami travaillant à Notre-Dame » lui aurait dit que « le feu était intentionnel ». Aucun témoignage direct allant dans ce sens n’a été recueilli en France.

L’ancien secrétaire d’État belge à l’Asile et aux Migrations a, lui, fait un parallèle avec le groupe Etat islamique. « Après la destruction par l’État islamique des plus anciens monastères et sanctuaires du christianisme en Syrie, nous risquons de perdre le monument le plus beau et le plus impressionnant d’Europe. Quelle journée noire ! » s’est-il ému. Comme l’a noté la presse belge, il avait dans un premier tweet accompagné son message d’une image de la cathédrale de Notre-Dame… de Montréal.

Commentaires bloqués chez les Gilets jaunes

« Il n’y a pas de hasard. » Sur des groupes Facebook liés aux Gilets jaunes, plusieurs internautes font un lien entre l’incendie et les annonces post-grand débat que devait faire Emmanuel Macron lundi soir. Le chef de l’Etat a finalement reporté son allocution à une date ultérieure, au vu du drame qui touchait la capitale et de l’émotion suscitée.

« Un jour de bilan de grand débat… le hasard fait décidément bien les choses… » assénait ainsi un Gilet jaune. Un autre osait un scepticisme plein de sous-entendus : « C’est pas la première fois qu’il arrive un truc grave dans un moment politique délicat ! On va dire qu’ils ont une certaine chance… »

Ce genre de messages a poussé les administrateurs de plusieurs de ces groupes à bloquer la publication de commentaires. « Désolée pour les autres mais nous ne cautionnons pas ces publications, fatigués de lire autant de bêtises depuis 1h et il y en a eu de trop merci à ceux qui ont signalés », justifiait une responsable d’un des groupes les plus suivis.

Comme l’a noté un journaliste du Monde, sur la page Facebook de Maxime Nicolle, l’une des figures des Gilets jaunes, certains internautes se sont interrogés sur l’horaire de publication d’un tweet d’Emmanuel Macron disant son « émotion », à 11h05. Sauf que le réseau social affiche l’heure aux Etats-Unis lorsque les paramètres sont configurés par défaut. Le tweet a bien été publié à 0h05, heure française, soit bien après l’incendie.

Il faut souligner que ces messages à caractère complotiste sont très loin de faire l’unanimité auprès des Gilets jaunes. Beaucoup d’entre eux font aussi part de leur émotion, voire proposent d’annuler l’acte 23 de leur mobilisation prévu samedi prochain. D’autres encore réfléchissent à la façon de « célébrer Notre-Dame » ce jour-là.

Source leparisien