Maxi Librati, rescapé de la Shoah, est mort samedi

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Maxi Librati né le 5 Février 1925 à Lyon dans une famille juive originaire du Maroc, donateur de Yad Vashem, entrepreneur accompli est mort samedi à 94 ans.

Né à Lyon en 1925, dans une famille juive originaire du Maroc, Maxi Librati est l’aîné d’une fratrie de seize enfants, dont il sera le seul déporté. Il grandit dans un milieu populaire à Saint-Fons (banlieue de Lyon). Ses parents sont illettrés, et la famille suit peu les informations à la radio.

Arrêté dans un train, alors qu’il était parti avec des amis chercher du ravitaillement à la campagne, il ignore totalement l’existence d’une quelconque menace pesant sur les juifs : « Jusqu’à mon arrestation [en juillet 1943], je n’avais jamais entendu parler de déportation ni d’arrestation. » Envoyé à la prison du fort Montluc, il tente d’envoyer une lettre à ses parents, ce qui lui vaut d’être isolé dans une cellule, sans nourriture pendant cinq jours.


Il est par la suite transféré à Drancy,  puis part pour Birkenau, le 2 septembre 1943. Il y reste trois semaines, avant d’être transféré dans un camp du ghetto de Varsovie, où il est affecté au Todtkommando (« commando de la mort »), chargé de brûler les cadavres. Il attrape le typhus. Envoyé à l’infirmerie, il impressionne le kapo par ses talents de fils aîné habitué aux travaux ménagers et devient garçon de chambre.

L’avancée soviétique pousse les Allemands à évacuer le camp en juillet 1944. Maxi est transféré à Dachau, près de Munich, à l’issue d’une « marche de la mort » d’une centaine de kilomètres. Il est libéré par les Américains, le 30 avril 1945 à Allach, autre camp de Bavière. Lorsqu’il revient à Paris, il pèse 29 kg. Il retrouve à Lyon ses parents, frères et sœurs, qui avaient été cachés à la campagne par le patron du père de Maxi, plus tard décoré de la médaille des Justes.


Rescapé des camps nazis, Maxi Librati est revenu « 57 fois » à Auschwitz depuis la libération du camp. Accompagné de lycéens, il y rayonne à chaque fois de « joie ». « J’ai survécu à mes bourreaux, alors que j’étais venu pour y mourir », explique l’octogénaire juif. Pour perpétuer la mémoire, l’homme a également réalisé en 1999 un film documentaire. Maxi fait ensuite carrière dans le vêtement. Il parvient à ouvrir son propre magasin, pour lequel Paco Rabanne a conçu quelques modèles, à ses débuts.

Une belle vie bien remplie, encore un rescapé de la Shoah qui disparaît. RIP M. Librati.

 

Quand vous êtes vous senti libre ?

Je me suis toujours senti libre. J’attendais. Je savais que je serai libéré. Pas un seul instant,  je me suis inquiété.  Quand  j’étais à Drancy,  un homme a dit en voyant les lignes de ma main «  Vous avez de la chance, vous allez faire un long voyage, mais vous allez revenir ». J’avais 18 ans et  cette phrase est toujours restée en moi.

Vous êtes croyant ? Car  la Thora refuse les pythonisses ?

Je ne suis pas pratiquant, mais je crois en Dieu. Je ne suis pas le shabbat mais je suis les fêtes principales.

La première année de retour qu’avez-vous fait ?

La première chose que j’ai faite fut de penser à mes parents. Où sont mes parents ? J’ai attendu au Lutétia mais je n’avais pas de nouvelles. Il a fallu que je rentre à Lyon, mes parents étaient là. Ils n’habitaient pas à la même adresse rue Anatole France, mais quel  bonheur de me revoir, ils n’avaient pas perdu espoir.

Je n’ai pas continué le métier que j ‘avais appris : serrurier-forgeron. Je n’en avais plus l’envie, ce métier ne me convenait pas. Et je ne voulais surtout plus avoir les mains sales.

J’ai décidé de m’occuper de vêtements, une famille les KIMMEL qui m’avaient pris comme filleul de guerre, avaient une boutique au coin de la rue Réaumur. Une maison de textile. Et  j’ai commencé à travailler comme vendeur de tissu pendant 2 à 3 ans. J’avais des  méthodes de vente originales : le troisième mètre était gratuit par exemple.

En tant que représentant de tissu,  j’ai rencontré une personne Liliane et sa sœur Colette. Liliane est devenue mon épouse en octobre 1955, j’avais 30 ans et notre fille Patricia est née en juillet1956.

Puis j’ai quitté la maison  dans laquelle je travaillais et me suis installé chez mes beaux parents EDELSZTEJN rue d’Aboukir comme vendeur de prêt à porter féminin. Puis un jour j’ai voulu mon indépendance,  j’ai acheté la boutique d’en face, c’était en 1963, et je venais de divorcer.

Quelle est la phrase, le mot, la musique, la couleur, la personne qui vous a fait tenir dans toutes vos épreuves ?

Surtout la chance. La chance d’avoir rencontré Madame KIMMEL qui m’a appris mon métier. Oui mais surtout la chance de vivre, d’être vivant, d’être là encore aujourd’hui. La chance d’avoir  eu de tels parents, ils étaient exceptionnels : mon père était un simple manœuvre, un ouvrier qui travaillait à Saint Fons. il avait beaucoup de respect de la famille. Mes parents étaient sacrés.

La chance aussi d’avoir eu des protections, comme des rabbins vénérés par ma famille qui venaient du Maroc, de Taroudant et Marrakech. J’ai pu connaitre PINHAS COHEN entre 1954 et 1956, il avait dit à mes parents  lorsque je suis parti que je reviendrai des camps. Ce rabbin était respecté autant par les juifs que par les musulmans, il était auréolé d’une grande spiritualité.

Et la souffrance ?

J’ai toujours pensé que cela allait s’arranger, que ce que je vivais allait passer comme cela était venu. Je ne me faisais aucun souci, j’avais confiance en mon étoile.

Comment considérez-vous votre vie aujourd’hui ?

La plus belle des choses dans la vie c’est la santé. Il faut être en bonne santé. Je ne suis pas matérialiste, la santé c’est l’essentiel. Ma vie ? C’est une vie comme tant d’autres  je suis croyant chacun a son destin. Je ne changerai rien de ce que j’ai vécu, même pas les camps. Les camps s’était un passage dans la vie. J’ai eu la chance d’échapper à la mort. Je n’ai aucun regret. Si je devais refaire ma vie je la referais de la même façon. Je n’ai jamais eu de cauchemars,  je dors bien et j’aurai un jour 120 ans, car il suffit de le vouloir pour les avoir.

Mais pourtant, vous avez fait la marche de la mort ?

Oui. Mais je savais qu’il fallait toujours être devant, jamais derrière. Car devant  tu gères. Ceux qui étaient derrière, les SS les descendaient. Et quand on est devant on mène le rythme. J’ai aujourd’hui 2 enfants, 3 petits-enfants et même un arrière petit enfant. C’est cela ma chance.

Le mot amour intervient-il dans votre vie ?

Oui, j’aime mes frères, mes sœurs, ma famille. Mais j’ai aimé aussi travailler. J’étais toujours au travail. J’adorais ce monde. J’ai crée « La Gaminerie », et j’ai même eu des boutiques en franchise dans le monde entier. J’aime la création. On a envie d’aller de l’avant, de connaitre…

 

L’Art est-iimportant pour vous ?

Oui, si  je vois un tableau qui me plait je l’achète je ne revends jamais, je garde ce que j’achète. Il fait partie de ma vie, de mon entourage.

Et Israël ?

Je n’ai jamais eu envie d’aller m’installer en Israël bien que j’y ai séjourné à de très nombreuses reprises tout autant pour mon travail que pour le plaisir. Je suis lyonnais de parents d’origine du Maroc, venus en France en 14-18. Je suis né à Lyon dans le 2ème arrondissement, le 5 février 1925. Quel est le message que vous voulez transmettre aux jeunes ?

Soyez en bonne santé, c’est le plus beau cadeau que l’on puisse recevoir.