Le Louvre possède de nombreuses œuvres spoliées durant la Shoah

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Une exposition au Mémorial de la Shoah à Paris révèle des œuvres spoliées, acquises en 1942 et toujours conservées par le Louvre.

En cette « semaine d’action contre le racisme et l’antisémitisme », Édouard Philippe, accompagné du ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer, a signé, le 18 mars, une nouvelle convention de partenariat avec le Mémorial de la Shoah à Paris, doublant le soutien financier de l’État. Le premier ministre n’a pas eu le temps d’assister au vernissage de l’exposition du Mémorial «Le Marché de l’art sous l’Occupation». Dommage, lui qui avait annoncé, en juillet 2018, lors de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv, un renforcement des services œuvrant pour les victimes de spoliations, y aurait trouvé un cas exemplaire, mettant en cause le Musée du Louvre.


Riche de nombreuses archives inédites, l’exposition, sur laquelle nous reviendrons, éclaire en effet les ventes aux enchères de biens juifs organisées entre 1940 et 1944 à Drouot et au Savoy-Palace de Nice. Or, parmi ces dernières, une vente pudiquement intitulée « Cabinet d’un amateur parisien », en juin 1942, a mis à l’encan la collection d’un grand avocat, Armand Isaac Dorville, décédé en 1941 alors qu’il s’était réfugié en zone libre.

Ses héritiers indirects, persécutés par les lois antisémites, n’ayant pu réclamer leur dû, un administrateur désigné par le commissariat aux questions juives se chargea de liquider le tout. Or, parmi les nombreux marchands et amateurs qui se pressèrent à cette vente, René Huyghe, conservateur en chef du département des peintures du Louvre, y acheta douze œuvres d’art graphique.

Une demande prochaine de restitution

Le musée a accepté de prêter trois d’entre elles, signées Jean-Louis Forain,Henry Monnier et Camille Roqueplan, au Mémorial de la Shoah. Mais pourquoi le Louvre conserve-t-il encore ces œuvres à la provenance problématique, ainsi qu’un pastel attribué à l’époque à Delacroix, acheté à cette même vente par le commissaire-priseur Alphonse Bellier ?

« Nous allons présenter une demande de restitution de la part des héritiers d’Armand Dorville », indique Emmanuelle Polack, commissaire de l’exposition, qui a détaillé toute l’affaire dans sa thèse sur Le Marché de l’art sous l’Occupation (1). « Il serait important que les acquisitions de tous les musées nationaux durant cette période troublée fassent l’objet de recherches approfondies sur leur provenance », insiste-t-elle.

Ironie du sort, Armand Dorville avait été un donateur généreux des musées nationaux, dont le Louvre. Sa sœur, Valentine, ses deux nièces ainsi que leurs petites filles de 2 ans et 4 ans sont toutes décédées à Auschwitz.

Source lacroix