Décès de l’écrivain de la Shoah Edgar Hilsenrath

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L’éditeur Le Tripode, qui a publié 6 de ses livres et fera paraitre Terminus Berlin le 14 février 2019, annonce la mort de l’écrivain Edgar Hilsenrath, né en Allemagne en 1926. À l’origine d’une œuvre fascinante, extrêmement drôle malgré son tragique, Hilsenrath écrivait « pour se débarrasser l’âme » : « L’écriture est une libération pour moi », estimait-il.

L’écrivain de la Shoah d’origine allemande Edgar Hilsenrath, à qui l’on doit notamment les romans Fuck America (Attila 2009, réédité au Tripode en 2014) et Nuit (Le Tripode, 2012), est mort de vieillesse, dimanche 30 décembre, à l’âge de 92 ans, a annoncé son éditeur français Le Tripode. Reconnu tardivement dans son pays natal après deux décennies passées en exil aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, il est l’auteur d’une œuvre majeure sur le génocide juif et l’exil, traduite en 18 langues et vendue à plus de cinq millions d’exemplaires. Son ultime roman, Terminus Berlin, paraitra le 14 février 2019 au Tripode.

Né à Leipzig en 1926 de parents juifs commerçants, Edgar Hilsenrath s’exile avec sa famille en Roumanie en 1938 pour fuir le régime nazi, une expérience qui nourrira son roman Le retour au pays de Jossel Wassermann (Le Tripode, 2016). Il est ensuite déporté en Ukraine où il passera trois ans dans le ghetto de Mogilev-Podolsk, dont il s’inspira pour écrire Nuit, paru pour la première fois en 1964 en Allemagne. Le directeur commercial de la maison d’édition, effrayé par le ton cru et l’humour acerbe de l’écrivain, sabota néanmoins la parution du livre, rapidement indisponible.

Exil aux Etats-Unis

Après la libération de son ghetto par les soviétiques en 1944, le jeune Edgar voyage à travers l’Europe et s’installe brièvement en Palestine, où il enchaine les petits boulots. Cette période de sa vie transparait dans Le nazi et le barbier (Le Tripode, 2018), l’un de ses plus grands succès. Il gagne ensuite Lyon, où sa famille se trouve, puis New York en 1951, où il commence véritablement l’écriture de ses romans, malgré une situation financière précaire.

Aux Etats-Unis, ses œuvres recueillent un franc-succès, mais Edgar Hilsenrath peine encore à percer en Allemagne. Ce n’est qu’à la fin des années 1970, lorsqu’il revient s’installer dans son pays natal et convainc un petit éditeur de Cologne de publier à la suite trois de ses principaux romans, que l’Europe découvre enfin son talent littéraire. Consacré dans le monde entier, Edgar Hilsenrath s’impose alors tardivement comme l’un des écrivains majeurs de la Shoah. Il reçoit en 1989 la plus haute distinction littéraire allemande, le prix Alfred-Döblin, pour Le conte de la dernière pensée (Le Tripode, 2015), qui compare le génocide arménien à l’extermination des juifs.

« Nous étions nombreux à croire que son œuvre immense, qui naviguait entre Primo Levi, John Fante, Charles Bukowski et Dario Fo, en faisait l’un des écrivains européens contemporains les plus importants »a déclaré Le Tripode dans un communiqué. Edgar Hilsenrath était apparu en novembre dernier à la réception organisée par son éditeur français à l’occasion de l’attribution du prix Renaudot à Valérie Manteau pour Le sillon. « Edgar aimait la France, pays où il avait vécu après la fin de la guerre et qui avait tardivement redécouvert son œuvre, indique Le Tripode. Son dernier souhait aura été d’être enterré à Paris. Avec émotion, nous ne pouvons que nous faire le porte-voix de ce désir. »

Son roman « Le nazi et le barbier » a été monté au théâtre en 2013 par David Nathanson, seul sur scène pendant 1h40.


Avec livreshebdo