Proust : une édition originale vendue 1,51 million d’euros, un record pour une œuvre en français

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L’édition originale du roman « Du côté de chez Swann » de Marcel Proust s’est envolée vendredi pour 1,51 million d’euros, un record mondial pour une œuvre originale en français, a-t-on appris auprès de la maison Sotheby’s. Elle scelle le succès de la quatrième vente de la Bibliothèque de Pierre Bergé.

Cet exemplaire rarissime, portant le n° 1 et offert par Proust à Lucien Daudet, estimé entre 600.000 et 800.000 euros, provenait de la bibliothèque de Pierre Bergé dispersée par Sotheby’s aux enchères chez Drouot à Paris.

Le précédent record pour une œuvre originale en français était détenu depuis 2009 par une édition originale des « Fleurs du mal » de Baudelaire adjugée à l’époque pour 775.000 euros.

« Le marché a entériné le goût de Pierre Bergé »

« Je suis très heureux. Le marché a entériné le goût de Pierre Bergé », a commenté l’expert Benoît Forgeot auprès de l’AFP. L’exemplaire vendu par Sotheby’s était enrichi d’un envoi autographe de Proust à Lucien Daudet. « Mon cher petit vous êtes absent de ce livre : vous faites trop partie de mon cœur pour que je puisse jamais vous peindre objectivement, vous ne serez jamais un +personnage+, vous êtes la meilleure part de l’auteur », écrit notamment Proust dans son envoi.

« L’histoire de cet envoi est un roman dans le roman », rappelle Benoît Forgeot. Après la mort de Proust (en novembre 1922), Lucien Daudet se sépara de son précieux exemplaire mais garda l’envoi manuscrit de l’écrivain. En 1946, Daudet offrit à son médecin Michel Bonduelle l’envoi manuscrit avec d’autres lettres de Proust. Toute sa vie durant, le médecin rechercha en vain l’exemplaire numéro Un de « Du côté de chez Swann » pour « remettre à sa place » la dédicace qu’il contenait.

C’est Pierre Bergé qui réussit à réunir les deux en achetant d’abord le volume de « Du côté de chez Swann » lors d’une vente aux enchères en 2013 puis en acquérant auprès du fils de Michel Bonduelle le mirifique envoi. « Pierre Bergé le fit insérer à l’endroit où il figurait à l’origine, renouant ainsi les fils d’une histoire centenaire », rappelle Benoît Forgeot.

130 lots étaient à la vente, dont une édition originale des « Essais »

Un total de 130 lots étaient proposés à la vente vendredi. La quatrième vente de la bibliothèque de Pierre Bergé a rapporté au total 8,10 millions d’euros, le double de l’estimation basse.

Outre « Du côté de chez Swann », une édition originale des « Essais » de Montaigne a été vendue 682.000 euros (estimation: 400.000/500.000 euros). Une des toutes premières traductions en français des « Vies de Plutarque », un des livres de chevet de la Renaissance, a été vendue 671.780 euros. Ce manuscrit sur parchemin illustré de 54 peintures à pleine page était estimé entre 400.000 et 600.000 euros.

Le livre fondateur de la botanique, trésor de la Renaissance, vendu 425.000 euros

Chef-d’œuvre de la Renaissance, considéré comme le livre fondateur de la botanique moderne, « De historia stirpium » (« De l’histoire des plantes », 1542) de Leonhart Fuchs a été vendu 425.000 euros. Illustré de 512 planches gravées sur bois, entièrement peintes à l’époque, l’herbier de Fuchs constitue la véritable apparition du dessin scientifique en botanique.

Parmi les œuvres du XXe siècle, le manuscrit de « Pompes funèbres », le plus scandaleux des romans de Jean Genet a trouvé un acquéreur pour 183.300 euros (estimation: 80.000/120.000 euros).

Karl Marx a confirmé sa bonne santé auprès des acquéreurs. L’édition originale de la première traduction en français du « Capital » qui était estimé entre 40.000 et 60.000 euros a été finalement adjugé pour 164.288 euros. Mardi déjà, l’original du contrat d’édition français du « Capital » avait été vendu pour près de 122.000 euros lors d’une autre vente aux enchères organisée à Paris. Ce contrat d’édition était estimé à seulement 25.000 euros.

Avant sa dispersion, la bibliothèque de Pierre Bergé comptait au total quelque 1.600 ouvrages, partitions musicales et manuscrits précieux du XVe au XXe siècle. Le fruit de ces enchères (les trois premières ont déjà rapporté près de 19 millions d’euros) est destiné à la Fondation Pierre Bergé/Yves Saint Laurent.

Deux autres ventes sont prévues à une date encore indéterminée.