Massacre d’Ascq en 1944 : les familles des victimes portent plainte contre un ancien SS

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En avril 1944, quatre-vingt-six civils ont été massacrés par les nazis dans le village d’Ascq dans le Nord de la France. Un des SS, soupçonné d’avoir participé à cette fusillade, a été condamné à mort par contumace (c’est-à-dire en son absence) en 1949 à Lille. Des familles de victimes pensent avoir retrouvé cet homme, aujourd’hui âgé de 96 ans, qui justifie les actes de l’Allemagne nazie dans une interview et ont porté plainte contre lui.

Des familles de victimes du massacre d’Ascq en 1944 par les nazis viennent de porter plainte en Allemagne après les propos récents tenus par un des SS condamnés par contumace pour avoir participé à cette tuerie de 86 civils.

Deux soeurs, Jacqueline Ruckebusch-Béghin et Marguerite-Marie Béghin, dont le père Louis, alors âgé de 31 ans, fait partie des hommes massacrés, ont ainsi saisi par courrier jeudi le parquet de Celle, en Allemagne.

Dans cette lettre, elles annoncent déposer plainte contre l’ancien SS Karl Münter pour « apologie de crime de guerre » et « propos négationnistes au titre de l’extermination des juifs ».

Il assure que les tirs étaient légitimes

Karl Münter, 96 ans, condamné à mort par contumace en 1949 à Lille par un tribunal militaire, a notamment affirmé, dans un entretien à la chaîne publique ARD le 29 novembre, « ne pas regretter du tout » ces faits, niant toute action criminelle des SS durant la guerre.

Tout en assurant n’avoir tiré sur personne cette nuit du 1er au 2 avril 1944 à Ascq, il affirme que les tirs étaient légitimes: « Si j’arrête les hommes, alors j’en ai la responsabilité. Et s’ils s’enfuient, j’ai le droit de leur tirer dessus. Si je les atteins, c’est tant pis pour eux ».

Il minimise le génocide juif

Dans ce même reportage, l’ancien SS minimise également le nombre de juifs assassinés par les nazis. « Il faut être prudent avec ce chiffre de millions de juifs. Il n’y avait pas autant de juifs chez nous autrefois, cela a déjà été réfuté. Ce chiffre de 6 millions (de victimes, NDLR) n’est pas exact ».

Le discours de l’ancien SS est « particulièrement blessant pour les familles, aussi irrespectueux que scandaleux, mais surtout illégal », écrivent les deux soeurs. Leur plainte fait suite à une autre, adressée le 30 novembre, par Alexandre Delezenne, arrière-petit-fils d’un autre massacré d’Ascq.

« Insulte à l’Histoire »

« Il n’y pas d’excuse absolutoire et rien ne viendra jamais justifier l’abomination des crimes nazis. Les renier aujourd’hui est une insulte à l’Histoire », explique à l’AFP Alexandre Delezenne, précisant que le parquet de Celle, compétent territorialement, lui avait déjà notifié la bonne réception de sa plainte, « en cours d’instruction ».

Dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, 86 civils avaient été assassinés par des SS à Ascq -village aujourd’hui intégré à Villeneuve-d’Ascq- en représailles au déraillement d’un train transportant environ 350 SS de la « Hitlerjugend » (Jeunesse hitlérienne) à la suite d’un sabotage de Résistants, qui visait en réalité un train de marchandises. Un « attentat » ferroviaire minime au cours duquel personne n’avait été blessé.

Cette affaire avait été relancée en 2013 par une plainte de M. Delezenne auprès du parquet de Dortmund, compétent pour les crimes nazis. Mais, en mars, le parquet général de Celle avait annoncé l’abandon des poursuites, suivant un avis de la chancellerie française, selon lequel une personne ne peut être jugée deux fois pour les mêmes faits dans deux pays différents, en vertu des accords de Schengen.

« Des innocents de 15 à 85 ans, réveillés en pleine nuit »

La chancellerie française avait en outre estimé que le massacre relevait des « crimes de guerre », dont la prescription est de 20 ans, et non de crimes contre l’humanité, imprescriptibles.

Une lecture des faits que Alexandre Delezenne avait contestée: « Les nazis ne se sont pas acharnés contre des soldats, mais contre des innocents de 15 à 85 ans, réveillés en pleine nuit ». La perspective d’un possible nouveau procès satisfait d’autant plus aujourd’hui les descendants des victimes. « Au lieu de raser les murs, ce triste personnage qui n’a montré aucun début de repentance a refait parler de lui… », souligne  Alexandre Delezenne.

Source ouest-france