
Première pour un président du RN et un membre de la famille Le Pen, le déplacement ce mardi des deux figures de l’extrême droite à Jérusalem, à l’invitation d’un ministre israélien, ne fait pas l’unanimité.
Cachez ce malaise que je ne saurais voir. Depuis que l’invitation de Jordan Bardella (et de Marion Maréchal) en Israël pour participer à une conférence sur la lutte contre l’antisémitisme à Jérusalem a été rendue publique, le Rassemblement national et ses cadres saluent un événement « historique », achevant des années de « dédiabolisation » et finissant de positionner le parti fondé par Jean-Marie Le Pen parmi les amis du peuple juif. Une fable à laquelle beaucoup continuent à avoir du mal à croire.
Selon lui, « ce sujet est instrumentalisé pour mettre en scène un Rassemblement national nouveau dans une stratégie de conquête du pouvoir ». Ce qui, en creux, signifie que la mue revendiquée par le RN est insincère, et uniquement motivée par des raisons politiques. Qui plus est dans un contexte où le gouvernement israélien n’a jamais autant penché à l’extrême droite. Yonathan Arfi n’est pas le seul à exprimer ses réserves.
Quand le RN dénonce la position du Crif
« D’éminents membres d’un parti fondé par des Waffen SS se retrouvent à échanger sur la lutte contre l’antisémitisme sans le consentement des institutions qui se battent au quotidien dans les pays européens, c’est choquant », grince dans L’Opinion, Yossef Murciano, président de l’Union des étudiants juifs de France. Pour ce dernier, le RN garde des réflexes antisémites qui le disqualifient d’emblée.
Pour preuve, un tweet publié récemment par le député Julien Odoul, et qui reste en travers de la gorge de plusieurs représentants de la communauté juive. L’élu de l’Yonne accusait le Crif de porter « une écrasante et coupable responsabilité dans la situation actuelle en ayant soutenu toutes les politiques d’immigration massives, terreau du fondamentalisme antisémite ». De là à y voir la reproduction chimiquement pure d’un cliché antisémite, faisant des organisations juives les commanditaires secrets de politiques publiques jugées néfastes, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchissent. « C’est antisémite à plusieurs niveaux », dénonce sans ciller Yossef Murciano.
Sur Radio RCJ, c’est le Grand rabbin de France, Haïm Korsia, qui fustige l’invitation de Jordan Bardella, en ironisant sur les circonvolutions de ce dernier pour reconnaître (sous la pression médiatique) l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen. Plus gênant pour le RN et ses alliés européens présents, Haïm Korsia explique que le casting choisi par le gouvernement israélien a conduit la conférence des rabbins européens à sécher l’événement. « On estime que ce n’est pas normal », a-t-il souligné, rappelant que le programme du RN a longtemps prôné l’interdiction de l’abattage rituel en France.
Même Israël est mal à l’aise
Et, comme le souligne Le Parisien, l’événement prévu autour d’Isaac Herzog a été repensé, histoire d’éviter au chef de l’État hébreu d’échanger avec les leaders de l’extrême droite européenne, dont le RN. Cité par le quotidien, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi, exprime toute sa stupéfaction après l’invitation accordée au Rassemblement national et à ses alliés : « George Orwell se retourne dans sa tombe ! ».
Dans une interview au Jerusalem Post, Ariel Muzicant, le président du Congrès juif européen, dit également tout le mal qu’il pense de l’initiative prise par le gouvernement de Benjamin Netanyahu. « La motivation de ces politiciens d’extrême droite à venir à la conférence n’est pas leur amour pour Israël ou la protection des juifs mais plutôt d’obtenir un tampon de certification kasher », a-t-il grondé. Des levées de boucliers ostensiblement ignorées par Jordan Bardella.
Ce lundi sur BFMTV, l’eurodéputé a estimé que le président du Crif « fait de la politique » et que sa position fait « fi de la réalité », notamment électorale. « Croyez-moi, il y a beaucoup de nos compatriotes de confession juive qui, en 2024 ont porté leurs suffrages et leur confiance sur le Rassemblement national », a-t-il affirmé. Durant les élections législatives pourtant, plusieurs candidats RN ont été épinglés pour des propos antisémites.
Dans le Doubs, une candidate avait même dû se retirer après une photo la montrant coiffée d’une une casquette de la Luftwaffe, l’armée de l’air de l’Allemagne nazie. Plus récemment, à l’occasion de la mort de Jean-Marie Le Pen, le parti présidé par Jordan Bardella a assumé une forme de réhabilitation du fondateur du FN, dont les propos négationnistes ont plusieurs fois été sanctionnés par la justice. De quoi, sans doute, expliquer le malaise des représentants de la diaspora juive.
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