En Israël, l’analyse de sépultures renforce l’hypothèse d’une cohabitation entre Homo Sapiens et Néandertaliens

Abonnez-vous à la newsletter

Dans la grotte de Tinshemet, au centre de l’État hébreu, des corps de cinq Homo ont été retrouvés au milieu de vestiges funéraires. Une étude suggère que trois lignées humaines auraient cohabité 50 000 ans au Paléolithique moyen.

« Ces découvertes seront probablement les plus importantes de ces 50 dernières années dans la région ». Une étude publiée le 11 mars dernier dans la revue Nature Human Behavior, fruit d’un travail de fouilles réalisées en Israël dans la grotte de Tinshemet, suggère que trois groupes différents d’Homo auraient cohabité dans le Levant quelque cinquante millénaires, entre -130 000 et -80 000, c’est-à-dire à la période du Paléolithique moyen.

Depuis 1960, des sépultures, cinq au total, d’une lignée humaine pendant longtemps non identifiée ont été retrouvées petit à petit dans cette grotte située dans le centre d’Israël, près de la commune de Shoham. Selon les chercheurs, ces squelettes humains préhistoriques feraient partie des mieux conservés au monde. Aujourd’hui après analyse, plusieurs indices viennent confirmer l’hypothèse d’une cohabitation entre les Homo Sapiens (ou les hommes modernes) et l’Homme de Néandertal.

En fouillant les lieux, les archéologues israéliens ont découvert 7500 fragments d’ocre de différentes couleurs et textures, mais également de la faune et des outils en pierre. « Nous savons que certains de ces fragments viennent de loin, ce qui veut dire que ceux qui ont enterré leurs morts dans la grotte avaient parcouru des dizaines de kilomètres pour y apporter de l’ocre », explique le professeur Yossi Zaidner, membre de l’Université hébraïque de Jérusalem, auprès du Times of Israël . Les corps étaient également disposés en position fœtale, allongés sur le côté, les jambes fléchies, les bras repliés vers la poitrine et la tête tournée vers le bas. Des objets, tels que des os d’animaux, ou encore des morceaux de bois et de basalte collectés très loin des lieux de sépulture, ont été retrouvés dans les tombes.

100 000 années de guerre

Ces vestiges sont similaires à ceux découverts dans les grottes de Qafzeh et Skhul, dans le nord d’Israël. Selon Yossi Zaidner, ils servaient à des pratiques funéraires de groupes d’Homo Sapiens, de Néandertaliens et d’Homo sapiens archaïques (assez proches des Néandertaliens). Et cela, alors que selon différentes études, ces différents groupes d’Homo se seraient livrés des guerres sans merci pendant plus de 100 000 ans. Les Néandertaliens, chasseurs qualifiés et véritables stratèges, auraient donc eu à lutter, il y a quelque 250 000 années, contre le harcèlement militaire des Homo Sapiens. Ces derniers, qui avaient développé des meilleures techniques de chasse et de cueillette pour nourrir leurs « soldats », ont pris possession de la majorité des territoires en Afrique, au détriment des Néandertaliens, incapables de résister.

À cette période, soit il y a environ 200 000 ans, les territoires du Levant, au sens le plus large, formaient une sorte de frontière entre les deux lignées humaines. Désormais grâce aux techniques de recherche ADN, les preuves de la coexistence deviennent tangibles : les deux lignées se sont bien croisées sur le territoire hébreu avant que les Néandertaliens ne soient vaincus et éliminés. Mais au-delà des affrontements guerriers, Israël Hershkovitz, membre de l’Université de Tel Aviv et directeur des fouilles à Tinshemet, précise au Times of Israël « que les deux espèces Homo partageaient sans cesse des connaissances ».

Cohabitation pacifique ?

Son homologue, Yossi Zaidner, estime que « ces groupes étaient en relation ». « Ils avaient développé une culture homogène, y compris dans leurs techniques de chasse et dans la technologie de leurs outils », précise le chercheur. Il poursuit : « D’un point de vue biologique, le développement de caractéristiques homogènes prend beaucoup plus de temps. Ce qui explique qu’ils aient conservé des différences morphologiques importantes. »

Une question, peut-être emprunte de préjugés, vient naturellement à l’esprit : comment Sapiens et Néandertal ont pu cohabiter pendant des millénaires, alors que jusqu’à présent, les préhistoriens pensaient qu’ils se faisaient sans cesse la guerre ? Le professeur Israël Hershkovitz a une explication : « Nous avons tendance à considérer les humains modernes comme toujours prêts à faire la guerre, ce qui nous amène à penser que les Sapiens ont violemment éliminé les Néandertaliens. Toutefois, je crois que cette tendance agressive n’est apparue chez les humains qu’après la révolution agricole. Par conséquent, il est possible qu’au Paléolithique moyen, les hominidés ne se souciaient pas des différences et qu’ils coexistaient pacifiquement. »

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*