
Évelyne Askolovitch et Alain Hirschler font partie des derniers rescapés de la Shoah. Ce jeudi 20 mars, ils ont rencontré des étudiants isérois et témoigné de l’horreur de cette période, soulignant l’importance de poursuivre le devoir de mémoire.
« On a eu de la chance de les rencontrer. Leur témoignage m’a fait réaliser qu’on a la chance de vivre dans la paix », confie Anaïs, une étudiante du lycée professionnel Le Bréda à Allevard, en Isère.
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Ce jeudi 20 mars, la jeune fille de 16 ans et l’ensemble de ses camarades de classe ont rencontré Évelyne Askolovitch et Alain Hirschler, deux rescapés de la Shoah. Une des périodes les plus sombres de l’histoire, durant laquelle l’Allemagne nazie et ses alliés ont tué près de 6 millions de personnes juives en Europe.
La promotion d’Anaïs prépare un voyage en Pologne, pour se rendre notamment sur le camp d’Auschwitz-Birkenau, 80 ans après sa libération par l’Armée rouge. « On ne se rendra jamais totalement compte de l’horreur qui a eu lieu là-bas« , estime Luz, élève de première. Les lycéens partiront dès le lundi 24 mars pour plusieurs jours.
Avant de plier bagage, les étudiants ont écouté pendant plus de deux heures les récits d’Évelyne Askolovitch et Alain Hirschler. Ils sont venus transmettre deux messages : « Oui, ça a bel et bien existé », a appuyé l’un ; « Plus jamais ça », a insisté l’autre.
« On m’a privé de mon enfance »
Évelyne Askolovitch est la fille d’un couple de juifs allemands émigrés aux Pays-Bas. Elle garde peu de souvenirs précis de sa déportation, mais une date est à jamais gravée dans sa mémoire : le 12 mars 1943.
Ce jour-là, deux soldats ont frappé à la porte de la maison familiale. L’un est Allemand, l’autre Hollandais. « On a su ensuite que les Hollandais étaient payés entre sept et six euros dès qu’ils arrêtaient un juif. C’était donc quelque chose de très lucratif pour eux », souligne-t-elle.
Ce jour-là marque le début de son cauchemar. C’est d’ailleurs sous cette forme que lui reviennent certains souvenirs, encore des années plus tard.
Évelyne Askolovitch n’a que 4 ans quand elle est contrainte de quitter son domicile. Avec sa famille, elle est d’abord envoyée dans un centre de regroupement, installé dans un ancien théâtre d’Amsterdam. La petite fille qu’elle était est alors séparée de ses parents puisqu’ils sont placés dans des espaces différents. « D’une seconde à l’autre, on m’a arrachée à eux », raconte la rescapée devant le parterre de lycéens.
Ensuite, la famille est déportée dans les camps néerlandais de Vught et Westerbork, puis en Allemagne à Bergen-Belsen. « On m’a privée de mon enfance, parce que j’étais juive », appuie Évelyne Askolovitch, désormais âgée de 86 ans.
Pour sa part, Alain Hirschler n’a pas connu les camps, mais il a aussi vécu l’horreur de la répression nazie. Né à Mulhouse à la fin des années 30, il a grandi à Marseille durant la Seconde Guerre mondiale, alors en « zone libre ».
Cependant, en 1942, les Allemands envahissent le territoire et près d’un an plus tard, Alain Hirschler et ses frères sont envoyés par leurs parents en Haute-Savoie pour être cachés. Le couple est arrêté le 22 décembre 1943, envoyé à Drancy, puis déporté à Auschwitz. Ils n’en sont pas revenus vivants.
« Parler de mon histoire à ces jeunes et voir leur intérêt me fait du bien », assure l’octogénaire. Devant les lycéens, lui et Évelyne Askolovitch espèrent parvenir à faire comprendre l’horreur de la Shoah. « Il faut parler pour que plus jamais cela ne recommence », estiment-ils d’une même voix. Tous deux s’accordent également pour alerter sur les conséquences de la montée de l’extrême droite en France et dans le monde.
En France, par exemple, d‘après la Commission nationale consultative des droits de l’homme, l’antisémitisme est particulièrement haut du côté de « l’extrême droite et chez les proches du Rassemblement national ».
Comment poursuivre le devoir de mémoire ?
Alain Hirschler et Évelyne Askolovitch font partie des derniers témoins de la Shoah. Selon des chiffres communiqués par l’organisation Claims Conference, en 2024, il reste environ 245 000 survivants de cette période, vivant dans plus de 90 pays.
Comme Alain Hirschler et Evelyne Askolovitch, ces rescapés de la déportation ont en moyenne 86 ans. Le nombre de témoins directs diminue donc d’année en année. En France, le seul survivant des 6 000 enfants juifs déportés à Auschwitz en 1942 est décédé à l’âge de 97 ans, en décembre 2024.
Désormais, la grande question est de savoir comment poursuivre cette transmission mémorielle. Pour Évelyne Askolovitch, la réponse est simple. Elle estime qu’un grand nombre de ressources existent pour rendre immortels leurs témoignages, entre les livres, les films et les vidéos YouTube.
« L’autre jour, une personne m’a dit que son petit-fils irait témoigner dans les écoles, une fois qu’elle serait décédée. J’ai répondu que je trouvais ça monstrueux. D’une part, parce qu’on ne peut pas raconter ce qu’on n’a pas vécu. D’autre part, parce que c’est un discours très lourd à porter et on ne peut obliger personne à en parler », appuie Évelyne Askolovitch.
L’octogénaire insiste tout de même sur la nécessité de poursuivre ce travail de mémoire tout au long des siècles : « Il ne faut jamais oublier que cela a existé. »
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