
Le parquet de Paris ouvre une enquête pour dégradation volontaire par incendie, alors que les pompiers sont intervenus dans la nuit de mercredi à jeudi pour un feu de poubelles devant la supérette porte de Vincennes, dix ans après les attaques jihadistes de janvier 2015.
Il était 2h15, cette nuit de mercredi à jeudi, quand le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, dans le XXe arrondissement de Paris, a été la cible d’un incendie criminel. D’après les images captées par les caméras de surveillance, un homme a tenté de mettre le feu au commerce, théâtre d’une prise d’otage le 9 janvier 2015, deux jours après les attentats de Charlie Hebdo.
D’après une source policière, les sapeurs-pompiers ont pu circonscrire l’incendie. Ce jeudi matin, la façade de l’Hyper Cacher est complètement noircie et l’intérieur l’est légèrement aussi. Aucun blessé n’est à signaler.
Sur les images de vidéosurveillance, un homme a été repéré en train de mettre le feu à quatre conteneurs déplacés sur le côté gauche du magasin avant d’incendier une benne de chantier située non loin de là, à Saint-Mandé (Val-de-Marne). Avisé, le parquet de Paris fait savoir qu’une enquête pour dégradation volontaire par incendie a été confiée au commissariat du XXe arrondissement. Sur place, aucun graffiti ni de revendication apparente n’ont été retrouvés.
Les actes antisémites ont explosé ces dernières mois et nous en avons une nouvelle preuve avec cet incendie volontaire.
Soutien total à l’équipe de l’Hypercacher, qui avait connu l’horreur en janvier 2015 avec une attaque terroriste conduisant à la mort de quatre personnes. https://t.co/0OkDSRV1WE— Maxime Sauvage (@MxSauvage) March 20, 2025
Depuis vingt ans, Shira (le prénom a été modifié) vient chaque semaine faire ses courses dans le magasin. Âgée de 54 ans, cette habitante de Saint-Mandé n’a pas dérogé à sa routine. « On restera solidaire jusqu’au bout, on continuera à venir », assure-t-elle en sortant de l’enseigne, son caddie rempli. « Est-ce un barjot qui a fait ça ? Un antisémite ? Les deux ? », se demande-t-elle.
« Si on laisse faire sans réaction, c’est foutu »
« On aime la France et ça fait de la peine de voir ce qu’elle devient. C’est comme de voir un enfant partir dans la mauvaise direction. Je me pose la question de l’avenir de mes petits-enfants ici. Car si on laisse faire sans réaction, c’est foutu », s’inquiète-t-elle.
À ses côtés, une femme préfère rester anonyme. Elle explique avoir longtemps vécu en France avant de rejoindre Israël en 2015. Un projet mûri bien avant les attaques terroristes de Charlie. De retour à Paris, elle s’estime « beaucoup moins en sécurité ici qu’en Israël, malgré la situation là-bas ».
Au pied de la façade calcinée, chacun y va de son commentaire. « C’est désolant » s’exprime une retraitée qui voit là une preuve nouvelle d’antisémitisme. « Forcément on pense à tout ce qu’il s’est produit ici par le passé », commente Kamel, cycliste de 67 ans qui vit aux Lilas, alerté cette nuit, par la fumée. Il est venu sur place « pour voir ».
« Il faut bien continuer à vivre »
« Ça me fait peur », confie une collégienne de 12 ans, au bras de sa mère, en direction de la supérette. « On va faire nos courses ici tous les jours, c’est notre magasin de proximité. Et il faut bien continuer à vivre », explique la maman, en regardant sa fille. « On a eu de la chance que l’immeuble n’ait pas brûlé ! », s’émeut Linda, qui vit au-dessus de l’épicerie et dont la plaque d’immatriculation de sa voiture a fondu. « C’est trop… On a déjà vécu les attentats », soupire-t-elle.
La maire (PS) de Paris Anne Hidalgo a dénoncé « un acte odieux » qu’elle « condamne avec la plus grande fermeté ». « Cet acte réveille les blessures profondes et douloureuses de toutes les Parisiennes et de tous les Parisiens. Son caractère antisémite fait peu de doute », écrit-elle. Un discours partagé par le maire du XXe, Éric Pliez (DVG). « Si les motivations de l’incendiaire ne sont pas encore connues, dans le contexte d’une très forte augmentation des actes antisémites (…), cet incendie ravive des blessures qui ont meurtri la communauté juive, les Parisiennes et les Parisiens ainsi que le pays entier. Je suis aux côtés de l’équipe de l’Hyper Cacher dans cette épreuve. »
De son côté, l’Observatoire juif de France a exprimé « sa profonde inquiétude. » « Cet acte ravive une douleur encore vive », a assuré l’organisme.
Quatre morts dans la prise d’otage de 2015
Le 9 janvier 2015, Amedy Coulibaly, recherché depuis la veille pour le meurtre de la policière municipale Clarissa Jean-Philippe à Montrouge (Hauts-de-Seine), commettait une prise d’otage dans la supérette. Lourdement armé, il a retenu 17 personnes après en avoir tué trois autres dès son arrivée dans le magasin. Une dernière personne sera abattue par le terroriste.
Début janvier, la veille de la commémoration des dix ans de cette prise d’otages meurtrière, des étoiles de David avaient été taguées à Saint-Mandé, Vincennes (Val-de-Marne) et Montreuil (Seine-Saint-Denis), dont une à quelques mètres de la supérette. Un homme de 48 ans avait été identifié puis jugé en février pour être l’auteur de 34 tags antisémites. Le 21 février dernier, il a été condamné à six mois de prison ferme.
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