
Boualem Sansal a comparu ce jeudi 20 mars devant le tribunal correctionnel de Dar El Beida à Alger. Le verdict sera rendu jeudi 27 mars.
Boualem Sansal a comparu ce jeudi 20 mars devant le tribunal correctionnel de Dar El Beida à Alger, ont rapporté plusieurs médias locaux. À l’issue d’un procès expéditif, qui aurait duré moins d’une demi-heure, le procureur a requis dix ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars, selon le quotidien arabophone Chorrouk.
L’écrivain franco-algérien était accusé d’atteinte à l’unité nationale, d’outrage à corps constitué (l’armée), d’atteinte à l’économie nationale et de détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité nationale. Le verdict sera rendu la semaine prochaine, jeudi 27 mars.
«Procès fantôme»
Selon les informations recueillies par Le Figaro, Boualem Sansal, 80 ans, est apparu «en forme, avec les cheveux coupés». «Il a déclaré que ses propos étaient simplement une opinion personnelle, comme tout citoyen algérien, et qu’il n’avait pas mesuré l’impact que pouvaient avoir certaines de ses déclarations sur les institutions nationales, en niant toute intention de nuire à l’Algérie», précise Chorrouk.
Un avocat commis d’office avait été désigné mais c’est seul que Boualem Sansal voulait assurer sa défense. Le bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi, avait révélé fin février que l’écrivain avait renvoyé tous ses avocats, y compris François Zimeray. «J’apprends par la presse algérienne que Boualem Sansal aurait été jugé», a commenté ce dernier. «Un procès fantôme tenu dans le plus grand secret, sans défense, est incompatible avec l’idée même de justice. Cela confirme le caractère arbitraire de cette procédure et d’une détention aussi injuste que cruelle. C’est pourquoi j’ai saisi les organes compétents du Haut-Commissariat des droits de l’homme aux Nations unies, d’une plainte contre l’Algérie.»
Arrêté le 16 novembre à son arrivée à l’aéroport d’Alger, Boualem Sansal, entendu par le parquet antiterroriste d’Alger, avait été placé sous mandat de dépôt en vertu de l’article 87 bis du Code pénal algérien, qui réprime l’ensemble des atteintes à la sûreté de l’État, après des propos sur les frontières entre l’Algérie et le Maroc dans un entretien avec le média marqué à droite, Frontières. Lors de cette rencontre, il avait notamment affirmé que l’ouest algérien appartenait historiquement au Maroc.
En décembre, l’appel de remise en liberté déposé par ses trois avocats algériens a été rejeté par la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Alger. Depuis, l’état de santé de l’essayiste suscitait les plus vives inquiétudes. Il aurait passé de fréquents séjours à l’hôpital Mustapha-Pacha à Alger. Mohamed Baghdadi avait démenti les rumeurs selon lesquelles Boualem Sansal menait une grève de la faim et affirmé qu’il poursuivait son traitement contre un cancer. « Selon le professeur qui a été désigné pour superviser ses soins et sa prise en charge médicale, le protocole qui a été suivi pour le traitement de son cancer a commencé à donner de bons résultats. »
«Liquider rapidement ce dossier»
Boualem Sansal a donc comparu devant un tribunal correctionnel et non pas criminel, selon plusieurs sources proches du dossier contactées par Le Figaro, à la demande du juge d’instruction qui a requalifié les faits. Chorrouk rapporte que lors de son interrogatoire devant le juge d’instruction, l’accusé a affirmé : «Je suis Algérien, j’aime mon pays et je suis patriote. Il est impossible de remettre en cause mon amour pour l’Algérie.»
Cette accélération de la procédure laisserait penser, selon nos sources, que les autorités pourraient vouloir «liquider rapidement ce dossier». «L’instruction a été clôturée, Sansal a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, il a dû répondre à des accusations, il a été jugé, c’est vraiment du rapide ! Une comparution devant un tribunal criminel aurait impliqué une série de préalables, comme une présentation devant la chambre d’accusation, et cela aurait pris beaucoup plus de temps.»
Si la volonté d’Alger est effectivement de désamorcer la bombe Sansal pour renouer le dialogue avec Paris, alors un scénario optimiste n’est pas à exclure. Quel pourrait-il être ? Selon les proches du dossier, une condamnation est inévitable. «Une libération sous condition – avec bracelet pour raison de santé ou humanitaire – est difficile à concevoir, estime l’un d’eux. En revanche, on peut imaginer une condamnation, avec une peine plus légère que les dix ans requis. Et une relaxe sous forme de grâce qui pourrait intervenir assez rapidement, soit à la fin du Ramadan, soit le 5 juillet dans le cadre des grâces de la fête de l’Indépendance et de la Jeunesse. Il n’est pas à exclure que cette grâce, si elle a lieu, s’accompagne d’une dépossession de la nationalité algérienne.»
Dans l’entretien qu’il avait accordé à L’Opinion en février, interpellé sur une possible grâce, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait répondu : «Je ne peux présager de rien», laissant clairement entendre que la décision finale lui reviendrait et que rien ne serait définitif pour l’écrivain en détention.
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