Mort de Jean-Louis Debré, gardien du temple chiraquien

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L’ancien ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, est décédé ce mardi 4 mars à l’âge de 80 ans.

De même qu’il y a trois âges de la vie, il n’est pas exagéré de dire qu’il y a eu trois Jean-Louis Debré. Le fils de famille devenu magistrat, le ministre parfois brocardé – porte-flingues assumé de la chiraquie triomphante – et le président du Conseil constitutionnel, se bâtissant une stature qu’on ne lui soupçonnait pas forcément. Avant de présider aux destinées de la Cour constitutionnelle, cet ancien magistrat aura occupé quasiment toutes les fonctions électives possibles, suivant le cursus honorum classique de la Ve République, conçue par son propre père, Michel Debré, premier Premier ministre du général de Gaulle : conseiller général, adjoint au maire de Paris, député de l’Eure, maire d’Evreux, président de l’Assemblée nationale avant de s’installer rue de Montpensier, Jean-Louis Debré est mort ce mardi 4 mars, il avait 80 ans.

Au risque de commencer par les choses qui fâchent, l’image la plus prégnante qui nous reste est celle du ministre de l’Intérieur du premier Jacques Chirac, entre 1995 et 1997. Jusqu’alors soldat dévoué d’un mentor qu’on donnait battu avant qu’il décroche l’Elysée, Jean-Louis Debré prend enfin toute la lumière en s’installant place Beauvau. Confronté d’abord à la vague d’attentats islamistes commis en France par le Groupe islamiste armé, il s’enferre au printemps 1996 dans l’affaire des sans-papiers de l’église Saint-Ambroise. Ils sont 300 – Maliens, Sénégalais, Mauritaniens… – dont les titres de séjour n’ont pas été régularisés mais qui ont développé des liens familiaux en France. «Ni régularisables, ni expulsables», leur colère monte et après avoir été chassés de l’église du XIe arrondissement, ils errent dans Paris (gymnase Japy, cartoucherie de Vincennes, halle Pajol…) avant d’arriver fin juin dans l’église qui surplombe le quartier de la Goutte-d’or, dans le XVIIIe arrondissement, l’église Saint-Bernard. Grève de la faim, soutien de personnalités publiques (Stéphane Hessel, Ariane Mnouchkine, Emmanuelle Béart…). Le 21 août, le ministre de l’Intérieur Jean-Louis Debré explique qu’il entend mettre fin à la situation et évacuer le bâtiment «avec humanité et cœur». L’action violente des CRS le surlendemain à l’aube, qui pénètrent dans l’église en éventrant à la hache une porte latérale, choquera l’opinion. Le contraste entre cette image et les déclarations du ministre, qui fera la une de Libération, lui collera longtemps à la peau.

Avec Chirac, la rencontre d’une vie

Jean-Louis Debré était né à Toulouse, en septembre 1944, faux jumeau de Bernard (qui sera également homme politique après avoir suivi la tradition médicale familiale), fils de Michel Debré, grand résistant qui deviendra une figure centrale de la Ve République, futur académicien. Il est aussi le petit-fils de Robert Debré, pionnier de la médecine des enfants en France, reconnu comme une figure majeure de la pédiatrie. Jean-Louis, lui, suit un parcours académique moins brillant. Titulaire d’une licence de droit, ancien élève de Sciences-Po, il entre en 1973 au cabinet du jeune ministre de l’Agriculture Jacques Chirac. La rencontre d’une vie.

Gaulliste par tradition familiale, il accompagnera un temps Chirac à Matignon en 1974, avant de poursuivre une carrière de magistrat. Substitut du procureur d’Evry (Essonne) en 1976, il est juge d’instruction en 1979, traitant notamment de crime organisé et de grand banditisme.

Ce deuxième mandat de Jacques Chirac est l’occasion pour lui de faire oublier la réputation de ministre de l’Intérieur impétueux et un peu gaffeur pour se muer en gardien du temple gaulliste, s’opposant à Nicolas Sarkozy. Au perchoir, il acquiert même le respect de l’opposition, gagnant ses galons de républicain au-dessus des partis. De quoi se faire nommer pour neuf ans en 2007 par Jacques Chirac à la tête du Conseil constitutionnel, alors que Nicolas Sarkozy s’apprête à conquérir l’Elysée. Dans ses mémoires, Ce que je ne pouvais pas dire, il ne cache pas qu’il lui aura été plus facile, durant son mandat, de travailler avec François Hollande (président à partir de 2012) qu’avec Nicolas Sarkozy.

Mise à jour : à 10h10 avec la nécrologie de notre journaliste.

Source liberation

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