Pas de bol, les juifs sont nulle part

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89 % pensaient que « les Juifs sont très soudés entre eux ». 49 % que « les Juifs disposent de lobbies très puissants qui interviennent au plus haut niveau ».

Les gens sont injustes. Jean-Marie Le Pen meurt, et c’est Jean-Luc Mélenchon qu’on engueule. Pourtant, il n’y est vraiment pour rien. Certes, nombre de ses militants et pas mal de ses députés ont bruyamment célébré la fin du Menhir brun. Mais il faut les comprendre : ces derniers temps, les despotes, les tortionnaires et les idéologues pourris explosés en vol ou piteusement en fuite – Ismaïl Haniyeh, Hassan Nasrallah, Bachar al-Assad… – étaient plutôt considérés soit comme des camarades de combat, soit comme des alliés objectifs dans la lutte contre l’oppression (rires). Ça n’incite pas aux réjouissances. Là, voilà une vieille croûte ­d’extrême droite qui meurt toute seule, sans que personne ne lui demande rien, presque par surprise. Ils n’allaient pas rater ça. Champomy ! Et puis, pour l’occasion, le leader de LFI a fait un remarquable mea culpa. Il faut lui reconnaître ce beau geste. « Le ­combat contre […] l’antisémitisme […] continue », a-t-il déclaré sur X, actant du même coup que, contrairement à ce qu’il proclamait il y a quelques mois, la haine des Juifs n’est pas si « résiduelle » que ça.

Il faut toutefois noter un curieux paradoxe : si le nombre d’actes antisémites explose, et tout particulièrement depuis le 7 octobre 2023, si l’antisémitisme continue de tuer, de blesser, de dégrader, d’insulter, et pas qu’un peu, il semblerait qu’il n’y ait plus un seul antisémite en France. Il ne vous aura pas échappé que, désormais, lorsque vous tiquez sur une déclaration ou une position qui sent le gaz, la réponse est invariable : « Pas du tout, c’est de l’antisionisme. » Ou bien : « Pas du tout, c’est la liberté d’expression. » Ou encore : « Pas du tout, c’est une blague décoloniale » – version du camp d’en face : « Pas du tout, c’est une blague coloniale. » Et si vous insistez, vous déclenchez la foudre en retour. Il suffit de s’interroger sur ce qui se cache – ou pas – derrière certains propos de tel ou tel élu ou de tel ou tel amuseur pour se voir illico qualifié de sioniste génocidaire financé par le Mossad.

Orgueil et préjugés

Pourtant, et c’est un autre paradoxe, alors que les antisémites ont rejoint le rhinocéros de Java au premier rang des espèces en voie d’extinction, les clichés puants qu’ils véhiculent avec fougue, eux, sont en pleine forme. En novembre 2024, hier, donc, l’Ipsos avait réalisé une étude sur « la diffusion des préjugés anti-Juifs en France ». Les sondeurs avaient proposé à un « échantillon représentatif » de quidams de dire s’ils étaient d’accord ou pas d’accord avec 16 « opinions que l’on entend parfois sur les Juifs ». Résultat : seulement 3 % des personnes interrogées n’étaient d’accord avec aucune de ces âneries empoisonnées… 89 % pensaient que « les Juifs sont très soudés entre eux ». 49 % que « les Juifs disposent de lobbies très puissants qui interviennent au plus haut niveau ». 48 % que « la très grande majorité des Juifs soutiennent la politique israélienne y compris dans ses pires aspects à l’égard des Palestiniens ». 46 % que « les Juifs sont plus riches que la moyenne des Français ». Il s’en trouvait même quelque 23 % pour penser que « les Juifs sont responsables de la mort de Jésus ». Et 17 % qu’« il y a un peu trop de Juifs en France »… Si les auteurs de l’étude avaient osé l’affirmation « les Juifs mangent les enfants », on peut parier qu’elle aurait fait un score honorable…

Pour une fois, Jean-Luc Mélenchon a raison, même s’il n’est pas le mieux placé pour le dire : la lutte contre l’antisémitisme est plus que jamais d’actualité, et la mort de Jean-Marie Le Pen est un détail dans l’histoire de cette lutte. La haine des Juifs a traversé les millénaires pour être, encore aujourd’hui hélas, la plus largement partagée. En toute conscience ou en toute « innocence », comme aurait dit Raymond Barre1.

1. Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic, à Paris, faisant quatre morts et une quarantaine de blessés. Raymond Barre, Premier ministre, dénonce un « attentat odieux […] qui voulait frapper les Israélites […] et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue ».

Gérard Biard

Source charliehebdo

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