Le scandale des « Duchy Files » révèle que les duchés de la famille royale disposent d’importants revenus provenant d’organismes publics… aux finances exsangues.
Charles III et le prince William prennent bien soin de leur bas de laine. Le récent scandale des gains réalisés par le roi et le prince de Galles sur le dos des services publics a mis une nouvelle fois en exergue la pingrerie de la lignée.
Intitulée « The Duchy Files » (les fichiers du duché), l’investigation du Sunday Times et de Channel 4 révèle que les duchés de Lancaster et de Cornouailles, appartenant respectivement à titre privé au roi et à l’héritier au Trône, bénéficient de plantureux revenus provenant d’organismes publics. Les deux entités ont engrangé des millions de livres de recettes payées par le service national de santé, l’armée, l’éducation nationale ou l’administration des prisons. En vertu de privilèges médiévaux liés au droit du sol, cette prodigieuse rente échappe à l’impôt sur les sociétés ou sur les plus-values. Les deux propriétaires sont toutefois soumis à l’impôt sur le revenu.
Des millions et des millions de livres de recettes
Le souverain dispose du duché de Lancaster, fondé en 1399. Ses ressources proviennent essentiellement des terres, de l’immobilier et des placements en actions et obligations. S’il reçoit les profits, le monarque ne peut toutefois pas toucher au capital. En 2023, le duché a versé 27,4 millions de livres (33 millions d’euros) à la caisse royale. Pour sa part, son dauphin possède le duché de Cornouailles, régit par le même système, qui lui a rapporté 22,6 millions de livres l’an dernier.
D’après les enquêteurs, Charles III prend par exemple avantage des possessions du duché à Liverpool, l’une des villes les plus pauvres du royaume. Parmi les prébendes figurent une redevance sur les éoliennes, le traitement des eaux usées, l’utilisation du port de fret ou du terminal de ferries à destination de l’île de Man ainsi que l’accès à la jetée sur la Mersey.
Quant à William, il perçoit un revenu régulier du ministère de la Défense pour l’utilisation par l’armée de terre du parc national de Dartmoor où se déroulent des manœuvres, et par la Royal Navy de la base navale de Plymouth abritant le ravitaillement des sous-marins nucléaires.
Les organismes ponctionnés en cruel manque de moyens
Les révélations sur les versements effectués aux deux seigneurs par l’armée, la police ou les hôpitaux sont d’autant plus embarrassantes que les organismes en question manquent de moyens. Par ailleurs, le roi chapeaute un réseau associatif très actif auprès des plus désavantagés. Quant au prince de Galles, il s’est fixé comme objectif de promouvoir l’écologie et la santé mentale dans le cadre d’une monarchie plus proche du public.
Confronté aux accusations de rapacité, le Palais a répliqué que les duchés sont des entreprises commerciales en bonne et due forme. Par ailleurs, leurs comptes sont indépendamment audités par le ministère des Finances et par un cabinet comptable et sont publiés dans un rapport annuel. Reste qu’à la cour, il n’y a pas de petites économies. En effet, sur le plan financier, le duo pourrait parfaitement se passer de cet apport de fonds controversé préjudiciable à son image.
Le roi a reçu l’an dernier 86 millions de livres en vertu du financement de l’institution monarchique représentant 12 % des bénéfices du « Crown Estate » (domaine de la couronne). Les biens inaliénables, dont le monarque a l’usufruit, comprennent les châteaux officiels de Buckingham Palace, Windsor et Holyrood en Écosse. L’État lui « prête » la collection de tableaux, porcelaines et meubles ainsi que les bijoux enfermés dans la Tour de Londres. Sa fortune privée est estimée à 600 millions de livres, montant certes moyen par rapport aux nantis indiens, chinois ou européens figurant aux premières places du hit-parade des Britanniques les plus riches établi par le Sunday Times. Outre un portefeuille bien dodu d’actions et d’obligations, le monarque possède personnellement les châteaux de Balmoral, Sandringham, Mey et le manoir de Highgrove.
William est également très confortable. Sa tirelire est estimée à 25 millions de livres et son patrimoine est évalué à un milliard d’euros ainsi qu’un logement officiel, Adelaïde House, dans l’enceinte du château de Windsor. Outre le duché de Cornouailles, le prince et la princesse détiennent en nom propre une grande résidence de campagne, Amner Hall, offert par Elizabeth II lors de leur mariage.
« La firme » ne connaît pas la crise
George VI, qui avait régné entre 1936 et 1951, surnomma un jour la famille royale « La firme ». Ce trait d’humour est révélateur de la véritable entreprise qu’est devenue Windsor Inc. Mais qui dit affaires, dit dérapages et scandales potentiels en raison des inévitables conflits d’intérêts entre le statut royal et les activités marchandes.
Le roi cherche à tout prix à déloger le duc d’York de sa majestueuse demeure du Royal Lodge à Windsor, propriété du « Crown Estate », pour la donner à William et à sa famille à l’étroit dans leur logement de fonction. Pour contraindre son frère à s’installer à Frogmore Cottage, une modeste maisonnette occupée naguère par Meghan et Harry, il lui a coupé les vivres. Du jour au lendemain, Son Altesse a trouvé les fonds nécessaires au financement de son grand train de vie et de l’entretien de son domaine. En dépit de plusieurs interpellations au Parlement, Andrew s’est refusé à révéler l’origine de l’argent. Selon les médias, il s’agirait de liquidités émanant du Qatar, des Émirats arabes unis et d’Arabie saoudite, trois pays où ses deux filles, les princesses Béatrice et Eugénie, font des affaires.
God Save les Windsor et leurs finances !
De notre correspondant à Londres, Marc Roche