Le départ du gouvernement d’urgence du leader de l’Unité nationale pousse le Premier ministre israélien à trouver de nouvelles alliances. Par Danièle Kriegel.
Ce n’est ni un tsunami ni même un coup de vent un peu violent. En reportant de vingt-quatre heures l’annonce de son départ du gouvernement d’urgence, Benny Gantz n’a fait que s’incliner devant les circonstances du jour : le sauvetage, le 8 juin au matin, de quatre otages retenus à Gaza depuis le 7 octobre dernier.
En costume bleu, chemise blanche et cravate bleue – les couleurs de l’emblème national –, Benny Gantz, le visage grave, est apparu à la télévision, dimanche soir, pour une allocution d’une vingtaine de minutes. Allant droit au but, et après avoir annoncé son départ et celui de sa formation, HaMahane HaMamlahti, du gouvernement, le leader de l’Unité nationale a résumé les raisons de cette décision en une phrase choc : « Benyamin Netanyahou nous empêche de parvenir à une vraie victoire. » Une vraie victoire ? « Cela signifie, a-t-il dit, le retour des otages, le remplacement du Hamas à Gaza et la mise en place d’une alliance régionale contre l’Iran. »
Aucune défection à l’horizon
Selon Benny Gantz, le Premier ministre et son gouvernement « bloquent des décisions stratégiques fatidiques uniquement en raison de considérations politiques ». Et d’ajouter : « Ils ont transformé l’appel à l’union nationale en slogan creux. » Pour ne pas rester sur une note uniquement accusatrice, il a appelé Benyamin Netanyahou à fixer une date pour des élections en automne prochain. Il s’est aussi adressé aux familles d’otages, encore prisonniers à Gaza, pour leur présenter ses excuses : « Nous avons échoué. C’est aussi de ma responsabilité. »
Alors que cette démission n’a pas encore pris effet, c’est la même question qui revient en boucle : quelles en sont les conséquences ? À court terme, elle ne change pas grand-chose. Du moins en interne, puisque le gouvernement bénéficie toujours du soutien des soixante-quatre députés qui forment sa coalition parlementaire. Et pour l’instant, aucune défection ne pointe à l’horizon.
Pourtant, le départ de Benny Gantz et de ses deux ministres qui l’accompagnent – Gadi Eisenkot et Chili Tropper – n’est pas une bonne nouvelle pour Benyamin Netanyahou. S’il continue d’éluder les exigences répétées de ses deux ministres d’extrême droite – Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich – d’être intégrés au cabinet de guerre – ce qui pose un problème à l’administration Biden qui les boycotte –, il lui faut trouver de nouvelles alliances.
Interlocuteur privilégié de Biden
À droite, les deux hommes susceptibles de faire l’affaire, Avigdor Liberman, le chef du parti russophone « Israël Beitenou » (« Israël notre maison »), et Guidon Saar, le président de « Tikva Hadasha » (« Nouvel espoir »), ont d’ores et déjà dit non. De fait, la fin du gouvernement d’urgence nationale signifie le retour des deux camps, la coalition au pouvoir et l’opposition, dans leurs frontières naturelles.
Ce face-à-face peut-il tenir, alors que la guerre à Gaza piétine, que la défense de la frontière nord face aux attaques du Hezbollah peut se transformer à tout moment en conflit ouvert et que le mouvement de protestation des familles d’otages et des Israéliens anti-gouvernement prend, de semaine en semaine, plus d’importance ?
Et que va-t-il se passer avec les États-Unis ? Au fil des mois, Benny Gantz était devenu, avec le ministre de la Défense Yoav Gallant, l’interlocuteur privilégié d’une administration Biden régulièrement envoyée dans les cordes par Benyamin Netanyahou et plusieurs de ses ministres.
Déjà, selon NBC News, Washington réfléchirait, en cas d’échec de l’actuel accord en discussion, à négocier avec le Hamas, de façon indépendante, pour la libération des cinq otages qui ont la nationalité américaine. Toujours de même source, Israël serait écarté de ces discussions.
À l’heure qu’il est, il semble que Benyamin Netanyahou ait à choisir entre deux options. Poursuivre la guerre et maintenir son alliance avec Ben Gvir et Smotrich. Ou bien mettre fin aux combats à Gaza au moins pour une période de quelques mois, négocier la libération des otages, envisager un règlement avec le Liban et une normalisation avec l’Arabie saoudite, tout en réhabilitant ses relations avec une partie de la communauté internationale.
Danièle Kriegel