Disponible depuis vendredi sur Prime Video, cette enquête policière sur fond de sectarisme essaie de marcher dans les pas du « Seven », de Fincher. « Essaie », c’est bien le terme.
Voilà une affaire qui risque de rester classée. Sorti vendredi sur Amazon Prime Video, Damaged propose de réunir à l’écran deux grands du cinéma, en jetant Samuel L. Jackson (Pulp Fiction) et Vincent Cassel (La Haine, dont on fête cette année les 29 ans) au cœur d’une sombre enquête policière.
Nos deux compères, flics américains expérimentés aux trajectoires inégales – le premier reste dans la police à son corps défendant, l’autre y revient bon gré mal gré – se retrouvent mobilisés sur une série de meurtres dans la capitale écossaise, Édimbourg.
Petite subtilité des scènes de crime : le corps des victimes (ou ce qu’il en reste) est disposé de manière à former des symboles sectaires, sataniques. Et déjà le film nous replonge dans nos effroyables souvenirs de l’excellent Seven, de David Fincher, où le tueur agissait en vertu des sept péchés capitaux.
De Seven, ce nouveau long-métrage – qu’il faut voir avec indulgence, car prévu pour une sortie directe sur plateforme de streaming – n’a malheureusement que la trame. Et encore.
Car dans la quasi-totalité des autres domaines, il oscille entre le moyen et le très moyen. La bonne nouvelle, si elle en est une, c’est que la démarche a l’air plutôt assumée. On se retrouve alors face à une sorte de téléfilm sans prétention qui, malgré de nombreuses incohérences, tient son rang de divertissement honnête. Bête et méchant.
Techniquement Damaged
Dès les premières minutes, on comprend vite que le sens de l’esthétique sera défaillant. Comment se fait-il qu’un cadre si inusuel et élégant que le très baroque Édimbourg soit presque dissimulé ? Les rares plans, extrêmement larges, de la cité écossaise se ressemblent. Et donne le sentiment d’une production au kilomètre, dans laquelle le choix du décor n’a d’autre intérêt que celui du portefeuille. Dommage !
Cette impression d’inachevé, on la retrouve dans le montage, bien trop nerveux, qui force l’usage répété des boutons « pause », ou « retour arrière ». La faute à la furtivité de certains plans. Mais aussi à leur composition peu intelligible, d’ailleurs complexifiée par une sous-exposition lumineuse très fréquente. La tuile, quand on essaie de suivre une enquête.
Une enquête par ailleurs affaiblie par des pannes d’intensité. Dans un contexte où l’on devrait sentir la tension d’un bout à l’autre de l’heure et demie que dure le film, on se surprend parfois à lâcher.
On détourne le regard, on n’écoute que d’une oreille, ou l’on n’écoute pas du tout. Comme si le réalisateur, Terry McDonough (Breaking Bad, Better Call Saul), ne parvenait plus à nous accrocher au-delà du strict champ criminel.
Une aventure humble
Malgré tout, on reconnaît qu’on se laisse par moments naïvement embarquer. Quand il y a de l’action. Par amour du thriller, peut-être. Parce que le mobile sectaire fascine, sûrement. Également parce que cette humble aventure est incarnée par des acteurs connus, même s’ils ne sont pas au sommet de leur art. Mais suffisamment concernés pour qu’on ne grince pas des dents.
Mention spéciale, en outre, à Gianni Capaldi (Cops Incrimination), qui ne démérite pas, engoncé entre nos deux têtes d’affiche dans le rôle d’un policier écossais torturé par ses propres démons. Le trio, quand il est ensemble, fonctionne bien. Beaucoup moins quand les personnages sont éparpillés, en tandem ou en solo. La carte de l’alchimie à trois aurait pu être davantage jouée.
Quant au twist final, nous n’en dévoilerons rien ici. Disons simplement qu’il aurait gagné à être plus finement joué. Comme tous les torts du monde ne peuvent pas être supportés par le réalisateur, nous mettrons ce dernier au compte d’une écriture un peu pataude, qui perpétue le sentiment de « mouais » éprouvé durant le film.
Damaged incarne, en fin de compte, la relève des « sorties directes en DVD » des années 2000, ressuscités les Prime Video, Netflix et autres Disney+. Ces films qui ne passent pas par la case cinéma car jugés insuffisamment prometteurs. Et débarquaient alors sur les étagères des vidéoclubs – aujourd’hui, dans l’ordonnancement thématique des plateformes.
C’est une œuvre destinée davantage à la consommation qu’à l’appréciation, qui se paie malgré tout le luxe d’avoir deux gros calibres à l’affiche. Un vrai film du dimanche, quand il n’y a rien d’autre…