Simon Gronowski : « J’ai sauté du train pour échapper aux Nazis »

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Rescapé de la Shoah, Simon Gronowski a sauté du train qui l’emmenait à Auschwitz. À 92 ans, il est venu livrer une leçon d’optimisme pour de jeunes Arlonais.

Simon Gronowski, vous êtes rescapé de la Shoah. Vous êtes à Arlon pour parler aux jeunes. Vous ne refusez jamais une invitation ?

Je suis invité à raconter le drame de mon enfance. Et je ne dis jamais non. Quand j’avais onze ans, les Nazis ont tué ma mère et ma sœur dans la chambre à gaz d’Auschwitz-Birkenau. J’ai été interné par la Gestapo dans la caserne Daussin à Malines et déporté dans le 20e convoi, le 19 avril 43. Tout cela parce que mes parents étaient nés dans une certaine religion.

Quatre-vingts ans plus tard, vous êtes pourtant toujours là ?

Par miracle, j’ai sauté du train. Il transportait 1600 personnes dont 250 enfants pour une destination inconnue, qui était la mort ! Nous étions cinquante personnes dans le wagon, sans aucun siège, sans lumières et avec juste un peu de paille. Le train a été attaqué par trois jeunes résistants. Ils ont libéré 17 personnes, mais personne dans mon wagon. Les SS tiraient des coups de feu. Des hommes de mon wagon ont pu ouvrir la porte. Ma mère a pris ma main et m’a fait asseoir sur le bord du marchepied. Le train roulait et j’ai sauté ! Je croyais que ma mère allait le faire, mais le train s’est arrêté, les gardes tiraient dans ma direction. Ma mère ne pouvait plus s’échapper. Je me suis mis à courir dans les bois.

Vous parlez de miracle. Mais vous avez perdu la foi ?

Oui, après mon évasion, j’ai été recueilli dans des familles catholiques qui m’ont gâté comme leur enfant. Je priais tout le temps Dieu. À force de prier deux ans en vain, je me suis résigné: ma mère ne reviendrait pas. J’ai perdu la foi. J’envie les gens qui l’ont.

Mais la foi en l’homme, vous l’avez gardée. Malgré l’atrocité du nazisme ?

Exactement. Dans le Limbourg, j’ai eu très peur. Je pensais que le gendarme belge me ramènerait à la Gestapo. Cet homme a risqué sa vie pour moi. Si les Nazis l’avaient su, ils l’auraient fusillé. Donc, après cela, comment puis-je douter de la bonté de l’homme !

Votre regard sur l’actualité sombre ?

Je suis optimiste, malgré la montée du fascisme, de l’extrême droite. J’ai confiance en l’avenir parce que j’ai confiance en l’homme. Il faut se battre, la vie est belle. Le fait d’être accueilli par tous ces jeunes fortifie ma foi. Personne n’est à l’abri d’épreuves. Quand on perd un être cher, par maladie ou accident de roulage, il faut continuer à vivre. Vivre par fidélité pour la personne disparue. Je dois être heureux de vivre. C’est l’humanité qui va gagner.

Que diriez-vous au bourreau de votre mère ?

Je le livrerais à la justice. Je ne peux pas rendre justice moi-même. Le crime doit être jugé par un tribunal indépendant. Je n’ai pas la qualité pour le condamner. J’ai beaucoup pleuré, mais je n’ai jamais eu de haine. Pour moi, la haine est une maladie, que je n’ai jamais eue.

Palestiniens et Israéliens, je les aime tous les deux! « Il n’y a pas de guerre éternelle. La guerre se termine toujours par un traité de paix ». Et de mettre en évidence les trois guerres entre la France et l’Allemagne.

« Entre ces deux peuples, Palestiniens et Israéliens, qui s’affrontent, je ne prends pas partie. Ces deux peuples je les aime tous les deux! Je prends parti pour les victimes des deux camps. La vie d’un enfant palestinien a autant de valeur qu’un enfant israélien! Ces deux peuples sont faits pour s’entendre.« 

Jean-Jacques Guiot