Le 16 septembre, premier jour du mois de Tichri, les juifs fêtent Roch Hachana. Sauf les Karaïtes, rebelles du judaïsme, qui rejettent le calendrier hébraïque, explique notre chroniqueuse Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre sainte Magazine.
Qu’on se le dise, il y a un jour pour crier. Cette année il tombe samedi 16 septembre. À la différence des journées internationales ou mondiales, ce jour est inscrit dans la Bible. Pas n’importe où dans la Bible, dans la Torah elle-même. Dans le Lévitique s’il vous plaît. Il n’y a pas plus casher que ça. Le nec plus ultra de la loi. Ce samedi est le 1er du mois de Tichri 5784, c’est Roch Hachana, le nouvel an, pour les juifs du monde. Mais pas tous. Pas pour les Karaïtes qui eux préfèrent crier.
Dans la grande famille du judaïsme, on se souvient des sectes juives de l’époque de Jésus : Saducéens, Samaritains, Zélotes, Pharisiens, Esséniens. Vous connaissez aussi les Séfarades et les Ashkénazes. De nos jours, on classe ordinairement les juifs entre libéraux, conservateurs, modernes-orthodoxes, orthodoxes, ultra-orthodoxes. Et il y a les Karaïtes.
La Torah, rien que la Torah, toute la Torah
Les Karaïtes sont des rebelles. S’ils ne se rattachent à aucune autre catégorie du judaïsme, c’est qu’ils rejettent toutes les traditions postérieures au texte biblique. Exit la loi rabbinique orale, la Mishna, le Talmud… La Torah, rien que la Torah, toute la Torah.
Aussi, puisqu’on ne doit rien faire le shabbat, alors on n’a même pas le droit de sortir de chez soi. Ni de porter quelque chose à l’intérieur de la maison. Ni le droit de laisser allumée l’électricité quand bien même le bouton a été activé avant shabbat. Leur fondateur, Anan Ben David, proscrit même l’usage de bougies le jour du repos.
Le karaïsme a été fondé vers 760, dans le bouillonnement religieux du Proche-Orient au moment de l’émergence de l’islam. C’est la raison pour laquelle on entre pieds nus dans une synagogue karaïte et qu’on y prie en se prosternant exactement comme les musulmans. Évidemment ça surprend.
À la même époque, dans la deuxième moitié du VIIIe siècle, quantité de sectes sont nées dans la région. C’est la seule juive qui n’ait pas été assimilée par le judaïsme rabbinique. Mais si les Karaïtes sont encore moins nombreux que les Samaritains, ils ont le vent en poupe. Particulièrement en Israël, où ils sont actuellement 35 000. Parce qu’en Israël, le Grand rabbinat, qui régit le judaïsme et sa pratique, exaspère une partie de la population juive qui le tient pour corrompu. Au moins, chez les Karaïtes, l’homme et la femme sont égaux et ils peuvent prier ensemble. Il en découle que les contrats de mariage sont égalitaires. Et dans l’Israël d’aujourd’hui c’est devenu une question sensible.
Le premier jour de Tichri, «un jour pour se souvenir de crier de joie»
Mais on voit aussi des orthodoxes choisir le karaïsme parce qu’il rejette également le calendrier hébraïque au motif que ce dernier a fait avancer le calendrier d’environ deux semaines au cours des 1 664 dernières années. Et s’il y a décalage, alors le choix rabbinique de la date de Pâques rend la célébration non casher car non conforme au texte biblique. CQFD.
Si donc les Karaïtes refusent le calendrier et les interprétations rabbiniques, le 1er du mois de Tichri 5784 est ce qu’en dit le Lévitique 23, 24 : « La septième lunaison, le premier de la lunaison sera pour vous shabatôn, un jour de repos, Zichron Terou’a, un jour pour se souvenir de crier de joie. » Demain donc, lâchez-vous, faites du bruit pour dire que vous aimez Dieu et à Dieu que vous l’aimez.