La Nupes vient de voter un texte qui abroge toute obligation vaccinale pour les soignants : une aide précieuse apportée à la secte bruyante des détracteurs de la vaccination.
Au riche patrimoine intellectuel du socialisme français – et de la Nupes en général – il faut désormais ajouter quelques nouveaux mots en « isme » qui complètent utilement sa panoplie idéologique : irrationalisme, complotisme et obscurantisme. La gauche vient en effet de se distinguer au Parlement en votant un texte qui est un triple défi à la science, à la médecine et à la raison.
Rappelons les faits : la Haute Autorité de Santé, après avoir préconisé la vaccination obligatoire des soignants, a jugé, dans un avis de la fin mars, que le recul de l’épidémie ne justifiait plus cette précaution.
Le gouvernement a ainsi autorisé de nouveau la petite minorité d’illuminés qui pensent que les vaccins sont plus dangereux que les virus, ou bien que Bill Gates a répandu des milliards de doses dans le monde pour en contrôler la population, à reprendre leur travail de soignant.
Après tout, si le danger est jugulé, ceux qui croient à ces billevesées ont le droit de revenir à l’hôpital dès lors qu’ils ne menacent plus la santé des autres et font leur travail correctement, quitte, pour les pouvoirs publics, à rétablir l’obligation si le besoin d’en faisait sentir.
L’affaire aurait dû en rester là. C’était compter sans le zèle étrange d’un certain nombre de députés qui ont fini par entraîner toute la gauche derrière eux : ils ont profité d’une niche parlementaire pour pérenniser cette mesure de suspension provisoire et abroger purement et simplement toute obligation vaccinale pour les soignants, quel que soit le contexte sanitaire, offrant ainsi une éclatante victoire symbolique aux antivax de tout poil et de tout plumage.
Il faudra maintenant, pour obliger les soignants à se vacciner et quand bien même les autorités sanitaires le réclameraient, repasser par une loi, alors même qu’il n’y a plus de majorité parlementaire pour le décider. On voit quel argument en or on vient de fournir aux détracteurs de la vaccination qui sévissent un peu partout en France, alors même que celle-ci, de l’avis de toutes les autorités médicales reconnues, est le seul moyen efficace de prévenir le retour de la pandémie.
Certains esprits familiers des arcanes parlementaires soulignent que le vote de cette proposition de loi, applaudie par les Dupont-Aignan, les Philippot et les Le Pen, obéit à un calcul électoral : les antivax formant un lobby comme un autre, il est habile de s’en faire un allié à peu de frais.
Le raisonnement pourrait alors faire précédent. Aux stratèges de la Nupes, on peut conseiller d’autres gestes d’une même efficacité tactique : permettre aux naturopathes crudivores, injustement persécutés par la « pensée unique » scientifique, de pratiquer librement la médecine du jeûne ; rétablir le remboursement des médicaments homéopathiques dont une médecine officielle – à l’esprit borné, bien sûr – a proclamé l’inefficacité ; porter sur la liste des thérapeutiques recommandées l’imposition des mains et la pratique du chant rituel qu’une médecine occidentalo-centrée dénigre à grand tort.
Et – pourquoi pas ? – promouvoir l’astrologie au rang des disciplines universitaires, sachant que des millions de Français lisent tous les matins leur horoscope. À chaque fois, c’est une clientèle électorale précieuse qui pourrait rejoindre les rangs des héritiers de Voltaire, de Jaurès et de Pasteur, qu’une vision étroitement scientiste du savoir enferme dans l’idolâtrie du vaccin et les oukases de la médecine officielle.
Voilà donc où en est la Nupes après un an de domination et de pratique populiste. Il est vrai que sous l’égide de Jean-Luc Mélenchon, au nom de la nécessaire conflictualité, il y a longtemps qu’elle a déserté les rives de la rationalité.