La tech et de nombreux acteurs économiques de premier plan sont vent debout contre le projet de réforme judiciaire du nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou.
En plein cœur de Tel-Aviv, Sarona, l’un des quartiers les plus chics et les plus chers de la capitale économique d’Israël, est devenu un lieu de manifestations contre la réforme judiciaire du nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou. Il accueille de grands rassemblements de plusieurs dizaines de milliers de personnes, qui ont lieu tous les samedis soir, comme de plus modestes, réunissant des Israéliens travaillant dans la tech.
Ces derniers ont manifesté mardi, pour la seconde semaine consécutive, brandissant drapeaux israéliens et pancartes indiquant « Sauvez la start-up nation » ou « Sans démocratie, pas de tech ». D’autres rassemblements ont eu lieu à Jérusalem, Haïfa, Herzlia… La tech représente environ un sixième du produit intérieur brut et plus de la moitié des exportations du pays.
Le 24 janvier, jour de la première manifestation, le gouverneur de la Banque d’Israël (BOI), Amir Yaron, résumait au Premier ministre les réactions qu’il avait recueillies au Forum de Davos : « Le monde suit avec inquiétude les développements qui pourraient empêcher les entreprises internationales d’investir dans le pays. »
« Un danger pour l’avenir de l’économie »
De leur côté, deux anciens gouverneurs de la BOI, Jacob Frenkel et Karnit Flug, ont publié une lettre ouverte dans le quotidien israélien « Yediot Aharonot ». Ils y précisent que, outre un éloignement des investisseurs, le risque est de voir les agences de notation rétrograder Israël, comme elles l’ont fait précédemment pour la Pologne, la Hongrie et la Turquie lorsque ces pays ont procédé à des réformes judiciaires importantes affaiblissant l’équilibre des pouvoirs, tout en précisant que « la situation d’Israël est encore loin » d’être comparable à celle de ces pays
En fait, Standard & Poor’s a déjà sonné l’alerte. Maxim Rybnikov, directeur des notations internationales au sein de S&P, a déclaré à Reuters que si la réforme se traduisait par un « affaiblissement des accords institutionnels et des contre-pouvoirs existants, cela risquerait, à l’avenir, d’entraîner une baisse de la notation. Mais nous n’en sommes pas encore là. »
Autre lettre ouverte dénonçant cette réforme comme « un danger pour l’avenir de l’économie israélienne », celle d’une bonne centaine d’économistes israéliens de premier plan, dont Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie 2002, ainsi que d’anciens proches de Benyamin Netanyahou, comme les professeurs Eugene Kandel et Manuel Trajtenberg, qui ont été ses conseillers économiques, ou encore Yuval Steinitz, ministre de premier plan dans plusieurs de ses gouvernements.
Des menaces de retrait
Cependant, lors de sa récente visite à Paris, Benjamin Netanyahou a rencontré une soixantaine d’hommes d’affaires français, qui selon le bureau du Premier ministre israélien, a dit vouloir « augmenter (ses) investissements en Israël ». Une rencontre destinée à rassurer les marchés, ce qu’il avait déjà tenté de faire au lendemain de l’entretien avec le gouverneur de la BOI. Lors d’une conférence de presse, il avait souligné que cette réforme « relancera l’économie israélienne d’environ 1 à 2 % du PIB » et surtout, qu’« Israël est un pays où il fait bon investir »
Cela n’avait pas suffi à calmer le jeu. Le shekel a baissé de 2,9 % par rapport au dollar durant la dernière semaine de janvier, et l’indice TA-35 de la bourse de Tel-Aviv a baissé de 1,1 % en janvier. Trois entreprises israéliennes de la tech – Papaya Global, licorne mondiale de la gestion de paie en ligne, Disruptive Technologies, un fond de capital-risque, et Verbit, système de transcription automatique – ont annoncé qu’elles se retireraient à l’étranger si la réforme était adoptée. Ces menaces destinées à faire pression sur le Premier ministre ainsi que les nombreuses mises en garde d’experts qui, habituellement, ne lui sont pas hostiles ont plus de chance de convaincre Benyamin Netanyahou d’adoucir sa réforme que l’opposition politique et les foules manifestantes. Sinon, celui qui aime se présenter comme « le libérateur de l’économie israélienne » pourrait en devenir le fossoyeur.
Par Catherine Dupeyron