Six jours après avoir accepté de recevoir la médaille de la Ville de Perpignan des mains du maire Rassemblement national, Louis Aliot, Serge Klarsfeld explique à L’indépendant son attitude, qui a dérouté et même choqué bien au-delà de la ville et du département. Les réactions se sont en effet multipliées au niveau national.
La polémique qui suit cette remise de médaille par le maire RN de Perpignan vous étonne-t-elle ?
Non, ça ne m’étonne pas particulièrement. Il y a des gens que je considère comme sectaires qui considèrent que j’ai mal agi en l’acceptant. Perpignan est une ville à laquelle je suis lié depuis 50 ans. Beate, ma femme, y a donné une conférence, j’y ai lancé le projet de Mémorial (du camp de Rivesaltes), j’y suis revenu trente ou quarante fois. J’ai reçu cette médaille du maire de Perpignan qui est actif contre l’antisémitisme, la haine d’Israël, il est proche de la communauté juive. Le jour même de notre venue, il a donné une tribune à L’Opinion qui marque sa volonté que la France soit un creuset national républicain. Il a condamné Vichy, il participe aux cérémonies de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, je considère qu’il n’est plus d’extrême droite. Il est un adversaire politique mais plus un ennemi.
Selon vous, la question de la Shoah et l’antisémitisme sont donc le seul marqueur de l’extrême droite ?
L’ADN de tout parti d’extrême droite aux XXe et au XXIe siècles, c’est l’antisémitisme. Pour moi, c’est le véritable marqueur. Donc, je considère que Louis Aliot va dans le bon sens. Je considère que les gens peuvent évoluer et c’est bien que ça se passe sans violence et que ça fasse tache d’huile au Front national.
Comprenez-vous l’émotion suscitée par votre consentement ?
Oui, je comprends l’émotion mais les évolutions doivent se faire. Moi, mon rôle est de transmettre la mémoire de la Shoah et faire en sorte qu’il n’y ait plus de négationniste et d’antisémitisme possibles.
L’historien Denis Peschanski, avec qui vous entretenez des liens anciens notamment autour du Mémorial de Rivesaltes, parle de compromissions…
Je n’ai jamais vu Peschanski dans des manifestations face à face avec l’extrême droite. Mon fils a perdu une partie de sa vision d’un œil il y a 30 ans en sautant sur une tribune face à Jean-Marie Le Pen, avec un tee-shirt « Le Pen nazi ». Ma femme a combattu l’extrême droite je ne sais pas combien de fois. On a été victimes d’attentats au colis piégé, à la bombe venant de l’extrême droite. Je sais que beaucoup de gens parlent, il y en a qui agissent comme moi, mon fils et ma femme. Quand on voit un ennemi qui évolue en adversaire, on considère qu’il faut le marquer, donc je le marque. Quand Marine Le Pen a condamné la rafle du Vel d’Hiv et ses organisateurs Laval et Pétain, j’ai dit que c’était un pas en avant. J’essaie de faire en sorte que les choses aillent vers le mieux pacifiquement.
Par votre geste vous dites vouloir encourager la ligne « d’ouverture » de Louis Aliot face à celle de son concurrent pour la présidence du RN, Jordan Bardella. Comprenez-vous qu’on vous reproche dès lors d’intervenir dans les affaires internes de ce parti ?
Si le courant que représente Louis Aliot est celui qui s’oppose à la ligne plus dure de Bardella, les électeurs peuvent aussi jouer un rôle dans les prochaines élections. Je ne sais pas ce qui se passera au FN mais la prise de position d’Aliot me paraît sincère et positive. J’ai donc accepté de recevoir la médaille de Perpignan, vous savez j’en ai reçu 150 d’autant de villes. Beate l’a peut-être depuis longtemps celle de Perpignan, on n’a pas vérifié. C’est la médaille d’un maire qui a été élu légitimement et puis c’est la médaille de la Ville de Perpignan, pas la médaille du FN.