Dans sa chronique, Éliette Abécassis appelle le Consistoire israélite de France à agir et aider les femmes juives à obtenir le guet, l’acte de divorce religieux remis par le mari dans le judaïsme.
Elle ne peut pas divorcer, ni se remarier, ni même retrouver une vie amoureuse, ni avoir un enfant. En effet, dans le judaïsme, les liens du mariage reposent sur la décision d’un seul homme : c’est le mari. C’est lui qui signe la kétouba, c’est lui qui peut libérer sa femme lorsqu’elle veut divorcer. Aucune femme, aucun homme, aucun tribunal, ne peut se substituer à sa décision de donner le guet (le divorce religieux) et il ne peut pas le faire sous pression. En conséquence de quoi, certains hommes utilisent ce pouvoir pour exercer un chantage à leur ex-femme, qui a des répercussions dans la procédure civile : je te donne le guet, si tu me donnes de l’argent, ou ta part de l’appartement, ou la garde des enfants. Ces hommes de peu de foi, ces sinistres individus exercent un chantage en se servant du guet.
Le divorce religieux, chemin encore semé d’embûches pour les femmes juives
Léa est victime de cette loi, ou plutôt d’une certaine interprétation de cette loi selon laquelle elle ne peut pas divorcer sans l’accord de son ex-mari. Elle est soumise à sa volonté, au chantage au guet qu’il lui fait, et aussi à certains rabbins du Consistoire en France. Si ces derniers savaient ce qu’une femme endure lorsqu’elle vit cette situation, si on les y soumettait ne serait-ce qu’un mois, peut-être agiraient-ils différemment vis-à-vis de Léa qu’ils traitent d’arrogante, indigne d’être écoutée et d’être aidée, au mépris des principes mêmes qu’ils prétendent représenter. Il faut le voir pour le croire.
Léa est prisonnière, enchaînée, agouna. Prisonnière de sa vie passée, d’un mariage, d’un mari, d’une injustice, en contradiction avec les principes les plus sacrés du judaïsme, mais aussi avec l’État de droit dans lequel nous vivons. Léa ne savait pas que, en se mariant, elle perdrait sa liberté. Qui peut l’imaginer ? Liora était victime de ce même chantage au guet et elle en a été libérée non pas par le Consistoire français mais par le tribunal rabbinique de Tel-Aviv – car en France, il semble que les tenants de la loi rabbinique soient plus royalistes que le roi et préfèrent soutenir les maris que libérer les femmes aujourd’hui.
Israël veut simplifier le divorce religieux, même pour les étrangers résidant sur son sol
Et j’ai tant d’espoir et d’estime pour l’intelligence des rabbins, connus depuis des millénaires pour trouver des façons de résoudre les problèmes les plus épineux du judaïsme, que je suis certaine qu’une solution sera trouvée afin qu’un Beth Din soit en mesure de remettre le guet à ces femmes qui veulent retrouver la liberté, et que ces femmes enchaînées puissent être libérées. Car il existe des solutions. Une femme consacre sa vie à défendre ces femmes enchaînées et, à travers elles, à proposer une vision libre et intelligente du judaïsme orthodoxe, à relever le niveau et à nous sortir de cette honte : Liliane Vana, docteure en droit hébraïque. Cette grande dame du judaïsme a trouvé des solutions dans le strict cadre de la loi juive. Mais pourquoi n’est-elle pas entendue par le Consistoire ?
Le 7 septembre dernier, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a publié un communiqué de presse dans lequel il « se félicite d’apprendre que Madame Liora Chetrit ait obtenu (…) son guet en Israël et remercie le Beth Din de Tel-Aviv d’avoir tant œuvré afin de pouvoir la délivrer de son ex-mari ». Il ajoute qu’en ce moment même, une autre femme est victime d’un chantage similaire de la part de son ex-mari, Léa, et il espère qu’elle aura bientôt son guet. Bientôt, grâce au courage du grand rabbin de France de prendre une position forte contre le Consistoire, Léa aura son guet. Bientôt les femmes enchaînées seront délivrées de ces vies brisées par l’emprisonnement dans des mariages morts. Comme le dit la Bible, « que la justice s’écoule comme l’eau et que la droiture soit comme un torrent puissant ». Cette justice qui est bafouée quotidiennement au nom de peurs, de dogmes, et même pire, de mépris pour la femme, cette justice trop souvent confisquée par les hommes des institutions.
Divorce : nouvelle avancée pour les femmes juives « enchaînées »
Que Léa soit libérée, et avec elles, toutes les femmes otages de la perversité des hommes. Car soudain, au milieu des institutions qui vivent à travers leur logique de domination et d’exclusion, des voix s’élèvent, au sein même de ce gouffre, pour changer les choses et faire évoluer la société. Un rabbin, un imam, un prêtre, un pape est grand lorsqu’il incarne cette voix : cela signifie qu’il est libre, lui aussi. C’est rare, c’est remarquable, c’est du courage. Libre de parler, libre d’agir, et libre de se révolter. La liberté commence par la parole, qui est « au commencement ».