La saison 2 de « Téhéran », sur Apple TV +, suit une espionne israélienne infiltrée en Iran. Films ou séries, depuis quelques années l’agence de renseignement joue l’ouverture pour persuader les ingénieurs de la préférer aux start-up de Tel Aviv.
On ne va pas accuser le Mossad d’accorder ses opérations au planning des sorties sérielles mais il y a des coïncidences troublantes. Le 22 mai dernier, dans un quartier sécurisé de Téhéran, le colonel Hassan Sayyad Khodaei était abattu de cinq balles par deux hommes circulant à moto, alors qu’il rentrait chez lui. Ponte des Gardiens de la révolution, puissante formation paramilitaire contrôlant l’Iran, le haut gradé a eu droit à des funérailles en grandes pompes. Des milliers de personnes y ont scandé « Mort à Israël ! » pendant que le général Hossein Salami, chef des Gardiens, prévenait : « Nous ferons en sorte que l’ennemi le regrette et aucune de ses actions maléfiques ne restera sans réponse. » Au même moment, la diffusion de la saison 2 de « Téhéran » s’achevait aux États-Unis et Apple annonçait son arrivée en Europe pour le mois suivant.
Le Mossad ne revendique jamais ses faits d’armes mais la mort de Hassan Sayyad Khodaei lui est bien sûr imputable. Dans une forme olympique, le service de renseignement s’est aussi signalé en avril par l’interrogatoire, à son propre domicile, d’un membre de la brigade Al Qods, unité d’élite des Gardiens. Un « hommage » discret à ce qui reste son chef-d’œuvre le plus récent : l’assassinat, en 2020, par l’armée américaine de Qassem Soleimani. Le défunt chef d’Al Qods avait été localisé en Irak grâce à des renseignements israéliens. Dans la deuxième levée de « Téhéran », le leader des Gardiens de la révolution s’appelle… Qasem Mohammadi et son exécution est l’enjeu principal du récit. Tamar Rabinyan (Niv Sultan) est une hackeuse du Mossad chargée de séduire son fils pour approcher le paternel et le tuer.
Il y a deux ans, on avait dit ici tout le bien que l’on pensait de la première saison de cette production israélienne récompensée d’un Emmy Award en 2021. Chroniquant une action menée contre le programme nucléaire persan par Jérusalem, elle offrait un passionnant panorama de la jeunesse de Téhéran et cet aspect sociologique l’emportait sur ses qualités de thriller. Avec cette nouvelle saison, ce constat est à nuancer. Certes, la jeunesse dorée des enfants de l’oligarchie Al Qods est montrée et dénoncée. Mais le showrunner Moshe Zonder (Fauda) regarde plus du côté de 24 heures chrono que d’Asghar Farhadi. Les péripéties s’enchaînent sans relâche et on se dit que le Mossad n’a pas usurpé son titre de meilleur service secret du monde. Ça tombe bien, c’est exactement son but.
Jurisprudence Top Gun
Dans un article sorti en 2020, le Washington Post expliquait que, face à l’essor du secteur des technologies dans son pays, l’agence avait du mal à recruter et garder des ingénieurs qualifiés. Quoi de mieux donc que dévoiler ses rouages pour les rendre plus sexy ? Directeur entre 2016 et 2021, Yossi Cohen a favorisé une présence accrue sur les médias sociaux et la fuite calculée d’informations officieuses sur les exploits du Mossad. En interne, on a fait comprendre aux salariés, actuels comme anciens, qu’ils pouvaient révéler certaines des pratiques maison ou documenter des opérations passées. Sans rien dévoiler de trop sensible bien sûr.
Dans la foulée ont fleuri les séries « The Spy » et « Hit and Run » ou le film Netflix L’Ange du Mossad. Le modèle fantasmé ici est le blockbuster américain Top Gun. Dans les années 1980, il avait augmenté le nombre de jeunes gens souhaitant s’enrôler comme pilotes dans l’US Navy de 500 % ! Fort d’environ 1 500 collaborateurs, le Mossad semble avoir atteint son but si on en juge par ses récents exploits. On soupçonne même Yossi Cohen d’être un fan du Bureau des Légendes puisqu’il n’a fait que copier son succès. Sur certains postes offerts par le DGSE, la série française a fait bondir de 60 % les candidatures. La DGSE s’en est même servi pour draguer dans les lycées ou à CentraleSupélec. Espérons que cela donnera des idées aux recruteurs qui cherchent des profs pour l’Éducation nationale.